Présidence de la Bidc : Le Sénégal trahi

Le Sénégal pensait avoir toutes les chances d’occuper la présidence de la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao, à l’issue du dernier mandat de l’actuel occupant, le Ghanéen Donkor. Or, les dirigeants de son pays se sont entendus avec ceux du Nigeria et de la Côte d’Ivoire pour torpiller la candidature du Sénégal, et se réserver les postes les plus juteux de la Banque régionale.

Par Mohamed GUEYE – Quand il s’agit d’intérêts, les pays oublient leurs amitiés. Cela, tout le monde le savait même depuis Talleyrand. Le Sénégal est en train d’en faire l’amère expérience dans sa propre sous-région ouest-africaine. Le dernier week-end du mois de janvier, Le Quotidien, dans son numéro 5980, attirait l’attention sur les manœuvres en cours à la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (Bidc).
En 2019, lors de l’élection du président de l’institution, le Sénégalais Abdoulaye Fall qui, à l’époque, assurait les fonctions de vice-président de l’institution, avait été évincé pour permettre au Ghanéen George Agyekum Donkor d’accomplir un second mandat. Pour que Macky Sall, qui venait juste de sortir d’une réélection à la tête de son pays, puisse avaler la couleuvre, les dirigeants de la communauté ont paraphé un accord écrit. Il y était stipulé qu’au terme de son second mandat, le Ghanéen devait céder la place à un Sénégalais. Frustré par l’accord qui le privait d’un poste qu’il estimait lui être acquis, Abdoulaye Fall avait préféré claquer la porte de l’institution en démissionnant avec pertes et fracas. Il a été depuis lors remplacé par un de ses compatriotes, Mabouba Diagne. Ce dernier en est le numéro 2, en tant que vice-président chargé des Finances et services institutionnels. M. Diagne, dans l’esprit de l’accord de 2019, était le candidat désigné du Sénégal pour remplacer le Ghanéen Donkor.
Or, le second mandat de M. Donkor étant arrivé à sa fin, son pays a montré toute sa répugnance à se soumettre à l’accord de 2019. Appuyé par les représentants du Nigeria et de la Côte d’Ivoire au sein du Conseil des gouverneurs, le Ghana a pu obtenir, lors la 11ème Assemblée générale extraordinaire de cette instance avant-hier à Lomé, que l’accord de 2019 ne soit pas appliqué.
A la place, les 4 pays, qui sont les actionnaires majoritaires de la Bidc, souhaiteraient que «les positions de président et des deux vice-présidents leur soient réservées, tandis que les actionnaires minoritaires devraient se partager un seul poste de vice-président et le Secrétariat général». Bien entendu, le Sénégal n’est pas d’accord, et il est soutenu en cela par le Bénin et le Togo, entre autres. Mais puisque le droit de vote se fait au prorata de l’actionnariat, les 4 pays qui cherchent à modifier le pouvoir de vote sont certains d’avoir la majorité absolue.
Cela, d’autant plus que certains pays ont, à cet égard, une position pour le moins ambiguë.
Ainsi, des pays comme le Cap-Vert ou la Gambie, sur le soutien desquels le Sénégal pensait pouvoir compter, n’ont pas exprimé une position nette au cours de cette Assemblée extraordinaire.
Il faut rappeler que le chef de l’Etat Macky Sall avait écrit une lettre à ses pairs de la Cedeao, pour leur rappeler l’accord de 2019, et souligner que le Sénégal tenait au respect de l’accord de 2019. Si Ouattara, Akuffo Addo et Buhari venaient à piétiner ledit accord, ce serait un mauvais signal à tous les pays, et surtout, une grosse brèche sur la solidarité régionale. Il faudrait alors se poser la question dans ces conditions, de la valeur des accords passés par les Etats de la Cedeao. L’autre idée sous-jacente à cet arrangement de «grands bandits» est de chercher à écœurer le vice-président Mabouba Diagne et le pousser à la démission, comme l’avait fait Abdoulaye Fall en son temps. Cette fois-ci, le Sénégal perdra carrément le poste, parce que l’accord de la Bande des 3 prévoit de donner le poste à un Ivoirien, qui aura à ses côtés, l’autre vice-président nigérian. Il sera également créé un autre poste de vice-président, qui sera dévolu à un candidat béninois. Comme cela, le Sénégal perdra ses alliés dans l’institution, et deviendra un simple actionnaire, sans pouvoir de décision.