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Présidentielle au Sénégal: l’avenir gazier de Saint-Louis, entre espoir et réticences

Les Sénégalais vont aux urnes le 25 février prochain pour choisir un nouveau président de la République. D’ici là, nos correspondants sillonnent le pays pour aller à la rencontre des habitants. Saint-Louis, la grande ville du Nord, est depuis plusieurs années l’un des fiefs de la majorité, mais l’opposition gagne du terrain. Et la population voit le début annoncé de l’exploitation du gaz avec un mélange d’espoir et de réticences.  (Reportage Rfi – Par :Juliette Dubois)

Les installations gazières brillent désormais à l’horizon, le soir, quand on porte le regard vers l’océan. L’exploitation de grandes ressources gazières, notamment celles du projet « Grand Tortue Ahmeyin », suscite de l’espoir à Saint-Louis : une centrale électrique au gaz et un gazoduc vont être construits. Le début de l’activité repoussé plusieurs fois est maintenant prévue pour le troisième trimestre 2024. Ce nouveau secteur permettra-t-il à la grande ville du Nord du Sénégal de redémarrer ? Ici, comme dans d’autres localités, l’emploi est un problème… Il y a peu d’entreprises et pas d’usines. Le tourisme qui faisait vivre de nombreuses personnes a ralenti depuis la pandémie de Covid-19.

Les responsables de la majorité présidentielle ne cachent pas leur optimisme, comme le maire et ministre des Infrastructures, Mansour Faye. « Comme vous le savez, à Saint-Louis, le gaz va apporter beaucoup plus d’économie, déclarait-il il y a plusieurs semaines. L’activité autour du gaz va créer beaucoup d’investissements, donc créera aussi de la richesse au niveau, non seulement du Sénégal, mais aussi au niveau de la ville de Saint-Louis ». « Cela doit impérativement s’accompagner par des projets structurants, indiquait-il également dans des propos rapportés par l’Agence de presse sénégalaise (APS), dont le deuxième pont que nous attendons vraiment impatiemment. Et donc, je suis sûr qu’il se réalisera d’ici deux ou trois ans. »

Pêche en crise et défis environnementaux

Les promesses économiques gazières créent de l’espoir, mais elles suscitent aussi de la méfiance dans les quartiers de Saint Louis : le gaz va-t-il bénéficier à la population en général ou uniquement aux entreprises étrangères ? Les sociétés locales ont du mal à travailler avec les exploitants BP et Kosmos, car elles ne sont pas toujours conformes à leurs standards. Et les pêcheurs, très importante communauté de la localité, se plaignent d’une baisse de leur activité depuis l’installation de la plateforme gazière au large des côtes. Une difficulté qui s’ajoute aux problèmes liés à la montée des eaux et à l’obtention des licences de pêche.

« BP est venue implanter sa plate-forme là où il y a le récif qui produit le plus de poisson, explique Moustapha Dieng, secrétaire général du Syndicat national autonome des pêcheurs du Sénégal. Et ce récif qui fait vivre la ville est maintenant interdit à la pêche. On ne peut pas tuer la pêche pour le gaz. » Beaucoup de pêcheurs et de transformatrices ont perdu leur travail. Certains ont pris les pirogues vers l’Europe.

Autre préoccupation : l’étroite Langue de barbarie où vivent des milliers de pêcheurs et leurs familles est attaquée par la montée des eaux. Une digue a été installée grâce à un financement de la banque mondiale et de la France – mais les dégâts sont déjà là. Et certains habitants s’interrogent sur la durabilité de ces solutions. « Bien sûr que ça va reprendre, estime Fama Sarr, transformatrice de poissons. Ce ne sont pas des solutions dures. On a devant nous des solutions douces. L’État devrait essayer de construire des brises lames. Il y avait une école, cette école a été détruite par l’avancée de la mer. Il y a eu un district sanitaire qui a subi la même chose. L’État est un peu loin de sa population ! »

Une localité au vote incertain

Très longtemps, les Saint-Louisiens ont considéré que leur ville était délaissée en faveur de Dakar. L’arrivée de nouvelles infrastructures est-elle susceptible de faire évoluer la situation ? Un aéroport, l’aéroport international Ousmane Masseck Ndiaye, a en tout cas été inauguré il y a quelques semaines, plusieurs routes secondaires créées. La population attend aussi l’arrivée de l’autoroute en provenance de Dakar, qui va être prolongée jusqu’à Tivaouane puis jusqu’à Saint-Louis.

En 2019, lors de la dernière élection présidentielle, Saint-Louis avait voté pour Macky Sall à plus de 57%. Ousmane Sonko était arrivé deuxième avec 17%, des chiffres proches de la moyenne nationale. Actuellement, c’est l’APR, le parti présidentiel, qui tient la mairie de Saint-Louis. Le maire Mansour Faye est le beau-frère du président et ministre des Infrastructures. La localité voit régulièrement des visites du président et du Premier ministre Amadou Ba, candidat pour la mouvance présidentielle qui savent qu’il faut mobiliser ce grand bassin électoral… et que la zone n’est pas entièrement acquise à leur cause.

Saint-Louis est une grande ville universitaire, avec l’université Gaston Berger, deuxième du pays, beaucoup de jeunes soutiennent l’opposant Ousmane Sonko. La jeunesse s’est soulevée comme à Dakar à plusieurs reprises en 2021 et 2023 pour protester contre l’arrestation du leader du Pastef, aujourd’hui éliminé de la liste définitive des candidats, mais qui a désigné un plan B : Bassirou Diomaye Faye.

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