SOCIETE / FAITS DIVERS

Remariage des jeunes veuves: Quand la société sape la seconde chance

En plus de devoir vivre avec le souvenir douloureux d’une union conjugale brutalement interrompue par le funeste sort, beaucoup de jeunes veuves ont du mal à redécouvrir les joies du mariage. Celles qui y parviennent supportent, pour la plupart, le dédain de leur belle-famille réticente et les remarques désobligeantes d’une société superstitieuse.

Le temps du veuvage est angoissant ! En plus de la déchirante douleur des souvenirs imprimés dans une mémoire secouée, l’horizon se couvre de ses incertitudes. Gardant des talismans pour se protéger des esprits maléfiques, la femme observe le délai de viduité au cours duquel elle ne doit pas porter des boucles d’oreille, se parfumer ou sortir à certaines heures. Après quatre mois et 10 jours, pour celles qui se conforment aux prescriptions islamiques, elle doit avoir franchi quatre étapes pour les rites du veuvage : l’isolement, la purification, la réintégration et la libération. Mais, tous ces usages ne représentent rien par rapport à la nouvelle vie à laquelle elle devra s’habituer. Le remariage des veuves n’est pas une paisible traversée, surtout pour celles-là qui sont jeunes. Elles font face à la réticence des familles de leurs prétendants et à une société très superstitieuse.
Ndèye Astou Diallo, une jeune veuve de 35 ans, en a fait l’amère expérience. «Je me suis mariée à l’âge de 22 ans. Mon époux était un jeune très ambitieux qui s’activait dans le commerce. Il a perdu la vie au cours d’un voyage. Après mon veuvage, je suis rentrée chez moi pour refaire ma vie. Il y a une année, j’ai rencontré un homme qui voulait m’épouser. Mais, quand sa famille a découvert que j’ai été dans les liens du mariage et que mon mari est décédé, tout a volé en éclats», confie-t-elle, songeuse. Et quand certaines familles allèguent des considérations sociales, les contrariétés empoisonnent la vie des veuves et des soupirants. Abdou Baal, ferronnier de 31 ans marqué par sa mésaventure, s’en offusque. «Je voulais me marier avec une femme qui avait les plus belles qualités. Mais mes parents s’y sont opposés, arguant que j’étais jeune pour me marier avec une fille qui a déjà connu les joies du mariage, enfanté et de surcroît veuve. J’en ai souffert car, pour moi, l’essentiel était ailleurs».

Une jeune et fraîche épouse

Madame Aïssatou Diop est une mère de famille dont les enfants se sont mariés avec des femmes qu’elle dit avoir choisies pour eux. Elle est de nature autoritaire et abhorre que sa progéniture lui tienne tête. «Les jeunes d’aujourd’hui pensent qu’ils savent tout, alors que nous leurs parents avons une meilleure lecture de la vie. J’ai choisi les épouses de mes fils et ils ne le regrettent point. L’un d’eux voulait épouser une fille dont le mari était décédé. Je m’y suis farouchement opposée. Je ne détestais pas cette femme, mais mon fils, qui ne s’est jamais marié, méritait une épouse jeune et fraîche. Il l’a quittée et je lui ai trouvé une autre», martèle-t-elle, heureuse de marquer son «territoire».
Ses récits de vie rendent compte de la difficulté pour certaines jeunes veuves de se «reconstruire» dans une société adhérant à un discours truffé de présupposés et qui a un rapport complexe avec la virginité. Le cérémonial au lendemain de la nuit de noces en est un édifiant exemple. Favorisée par la fortune, Anta s’est évité ces tracas quand il a fallu se remarier. «J’ai une belle-famille adorable. Après la période de viduité, la famille de mon défunt mari ne voulait pas que je rentre chez moi. Son vœu était que je me remarie au frère cadet de mon défunt époux ; ce que je n’ai pas accepté. C’est après que j’ai reçu la demande en mariage de celui qui est aujourd’hui mon mari. Et je ne regrette pas ce choix», savoure-t-elle, sous le regard attendrissant de sa belle-mère. Celle-ci, une quinquagénaire, n’avait pas mis son veto à ce projet. Beaumarchais ne disait pas ceci : «Ainsi va le monde ; on travaille, on projette, on arrange d’un côté ; la fortune accomplit de l’autre». Ou peut-être pas !

Sokhna Faty Isseu SAMB (stagiaire)

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