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«Résoudre les problèmes de mobilité urbaine pour une économie compétitive » – le soleil

Le Cetud ne signifie plus Conseil exécutif des transports urbains de Dakar, mais Conseil exécutif des transports urbains durables (Cetud). Cette évolution dans la dénomination élargit, du coup, le champ d’actions de cet organisme. Dans cet entretien, son Directeur général, Dr Thierno Birahim Aw, revient en profondeur sur ces mutations. Il aborde également l’état d’avancement des travaux du Brt et les perspectives.

 

Le Conseil exécutif des transports urbains de Dakar intègre désormais la notion de durabilité. Qu’est-ce qui justifie une telle évolution ?

 Avec l’introduction d’innovations majeures, la nouvelle loi du Cetud (Conseil exécutif des transports urbains durables), s’inscrit en droite ligne des orientations claires définies dans le cadre du Plan Sénégal émergent (Pse). Elle traduit ainsi la nécessité de concilier les objectifs de croissance économique, d’équité sociale et territoriale, sans oublier la protection de l’environnement, conformément à nos engagements internationaux sur les Objectifs de développement durable. Vingt-cinq ans après sa création comme première autorité organisatrice de la mobilité en Afrique, il était nécessaire d’opérer une mutation institutionnelle qui renforce le Cetud, avec un meilleur ancrage dans les orientations du Pse, en tenant compte de l’avènement de l’Acte 3 de la Décentralisation. L’ensemble promeut un cadre de gouvernance participatif et plus propice à l’intégration des collectivités territoriales dans la réalisation des missions qui lui sont confiées. À ce propos, il est facile de constater les progrès importants réalisés avec, d’une part, les projets phares de modernisation des communes et agglomérations et, d’autre part, l’introduction des transports de masse pour répondre à la demande de transport. Ils portent l’ambition de l’État du Sénégal d’organiser le pays en territoires viables et compétitifs, porteurs de développement durable. De ce fait, avec la mise en place progressive d’un système de transport de masse (le Ter et le Brt) et le développement en vue de l’intermodalité, l’État confirme la place importante qu’il accorde à la promotion d’un transport public de qualité dans la résolution des problèmes de mobilité urbaine pour une économie nationale compétitive et décartonnée. Nous nous inscrivons dans cette perspective.

Que représente le changement du D en durable. Ainsi, le « D » de Cetud devient « Durable » (à la place de Dakar), pour capitaliser sur un acronyme déjà très connu en Afrique et dans le monde, tenir compte de l’extension de son périmètre d’intervention, intégrer, de manière plus forte, l’objectif de réduction de l’impact environnemental des transports dans la définition et la mise en œuvre des projets qui lui sont confiés.

 

Qu’est-ce qui va changer concrètement ?

La nouvelle loi, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, le 7 avril 2022, vient consacrer le renforcement institutionnel, organisationnel et financier du Cetud avec quatre innovations majeures.  La première est relative aux attributions du Cetud redéfinies dans l’optique d’en faire une véritable autorité organisatrice, disposant clairement des prérogatives dans les régions de Dakar et Thiès, tout en renforçant ses capacités à apporter une assistance technique aux autres régions pour la définition et la mise en œuvre de leur stratégie de mobilité urbaine. En effet, il faut accorder une vigilance particulière à la dynamique territoriale qui s’opère et qui présage une conurbation entre les villes de Dakar, Thiès et Mbour. Dans ce triangle, des pôles d’équilibre comme la ville nouvelle de Diamniadio, le nouvel aéroport Aibd ainsi que des zones touristiques doivent jouer un rôle moteur dans la mise en place organisée de bassins de mobilité pour réduire la dépendance au centre de Dakar ainsi que les externalités négatives liées aux transports routiers. Il faut rappeler que l’hyper-concentration des activités humaines à Dakar est à la source de nombreux dysfonctionnements. La région capitale accueille, aujourd’hui, environ quatre millions d’habitants (23 % de la population sénégalaise) sur moins de 0,3 % du territoire national. C’était la population du Sénégal en 1970 ! La forte concentration démographique et l’urbanisation mal maitrisée, couplées à une configuration géographique qui limite les possibilités d’extension du réseau routier qui n’occupe en moyenne que 15 % des espaces aménagés au lieu de 30 %, engendrent des coûts économiques et sociaux élevés qui se traduisent notamment par la congestion, la pollution de l’air et la sinistralité routière. L’élargissement du périmètre d’intervention permettra d’agir plus efficacement sur l’organisation et la planification des transports publics, en ciblant un rééquilibrage des flux et d’accompagner, de manière plus concrète, les orientations du Plan national d’aménagement et de développement territorial. C’est dans cette perspective que s’inscrit la volonté forte du Chef de l’État, Son Excellence Macky Sall, de favoriser l’investissement dans les transports capacitaires comme le Brt et le Ter. L’avis du Cetud devra être requis en ce qui concerne l’attribution d’agrément de transports publics urbains et de licences d’exploitation des taxis urbains dans son périmètre de compétence.

Quel est l’objectif visé ?

C’est de créer les conditions d’une exploitation rationnelle. Par conséquent, l’offre de transport par taxi sera fixée par le Cetud. Donc, connue et maitrisée. L’activité sera organisée et la règlementation la régissant mise à jour en vue d’assurer sa modernisation, sa rentabilité et sa viabilité.

La deuxième innovation est relative à la mission d’organisation de la circulation et du stationnement désormais confiée au Cetud pour apporter des solutions efficientes à la saturation du réseau routier, alors que le niveau de motorisation est encore faible à Dakar. Il faut relever que la mission d’organisation de la circulation et du stationnement était jusqu’ici « partagée » entre plusieurs structures qui avaient la légitimité à intervenir sans disposer d’un cadre d’intégration ou de coordination à l’échelle métropolitaine. C’est pourquoi, tenant compte de l’importance de l’accessibilité des territoires pour la croissance économique, de l’urgence climatique avec les effets néfastes du trafic routier sur la santé des hommes et de l’environnement, il a été décidé de confier cette mission au Cetud. Des projets importants sont déjà initiés dans ce sens, notamment l’acquisition de 300 feux de circulation, un poste central de régulation du trafic automobile et un centre de management de la mobilité. Ces efforts sont menés à côté de l’intensification des investissements pour asseoir un réseau de transport multimodal et durable. La troisième innovation est tout aussi importante avec l’introduction de dispositions renforçant le pouvoir prescriptif du Cetud pour ce qui est relatif aux extensions urbaines et au développement d’infrastructures urbaines. En effet, la qualité des infrastructures et services de transport terrestre dépend fortement de l’agencement des lieux de résidence et de production. Ainsi, il est souhaité un dimensionnement des infrastructures urbaines plus apte à répondre à la demande des déplacements avec des services de transport moderne dont l’exploitation tient compte de l’acceptabilité tarifaire et de la soutenabilité financière. Avec la quatrième innovation, le Cetud est consacré comme centre de planification de la mobilité urbaine. Au cœur de cet enjeu, se trouve la coordination des actions portées par de multiples intervenants afin de favoriser le développement intégré des systèmes de mobilité. Les organes de gouvernance ont été revus dans ce sens afin de renforcer au sein du Cetud le cadre de partenariat entre l’État, les collectivités locales et le secteur privé. À ce propos, nous avons initié des actions concrètes, avec l’élaboration en cours du Plan de mobilité urbaine durable (Pmud 2022-2035) de Dakar et Mbour. Ceux des villes de Thiès, Touba, Diourbel et Ziguinchor suivront. Des Comités locaux de gestion de la mobilité urbaine, cadre cohérent de concertation, avec l’accompagnement des autorités administratives et territoriales, nous permettront de doter les agglomérations urbaines de documents de planification avec des investissements structurants contribuant à relever le potentiel de ces territoires à court, moyen et long terme.

Pouvez-vous nous faire le point sur l’avancement des travaux du Brt ?

Malgré les contraintes liées à la pandémie de la Covid-19, au dévoiement souvent complexe des réseaux de concessionnaires et la nécessité de progresser dans un environnement urbain dense, le rythme d’exécution des travaux est satisfaisant. La structuration institutionnelle du projet offre un cadre de pilotage performant avec l’implication de toutes les parties prenantes. Ageroute qui assure la maîtrise d’ouvrage déléguée des travaux rassure sur les délais de livraison des travaux d’infrastructures et de systèmes à la fin de cette année. Ensuite, nous procéderons à des phases de tests et validations avec l’opérateur retenu avant de lancer l’exploitation commerciale prévue à date dans le premier semestre 2023. Il me plait de rappeler que le Brt est un projet intégré, porteur de transformations positives, avec 40 km de réseau d’assainissement neuf, mobilier urbain, de l’éclairage public, des aménagements paysagers… C’est le seul projet de transport que le Sénégal a inscrit à la Cop 21 au titre de ses engagements pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre arrimé à une stratégie de transition énergétique et numérique. Ainsi, il a été retenu l’option volontariste d’un matériel roulant 100 % électrique. Une première mondiale !

Quid de l’exploitation ?

Comme vous le savez déjà, le marché portant l’acquisition du matériel roulant, l’exploitation et la maintenance a suivi, après une phase de structuration institutionnelle et financière, les étapes d’un appel d’offres international qui a permis le recrutement d’un opérateur privé à l’issue d’une procédure négociée. Là aussi, le projet a franchi avec succès une étape importante. En effet, le Sénégal est précurseur à travers le schéma de financement du Brt, transport collectif urbain, en Ppp avec le risque transféré à l’opérateur privé. Nous sommes arrivés à stabiliser un contrat équilibré grâce à l’implication efficace de l’ensemble des structures compétentes de l’État appuyé par un pool d’experts (stratégie, financier, fiscalité, juriste), ainsi que la Société financière internationale (Ifc Advisory), sous la supervision d’un garant de probité. Sur la durée de vie de la concession pour 15 ans, il est prévu un investissement total de 127 milliards de FCfa (35 % du coût total du projet), dont 88 milliards dès la première année. Il faut relever pour s’en féliciter que le projet porte un contenu local fort avec 30 % de participations dans la société d’exploitation réservées à l’État du Sénégal et aux opérateurs locaux à travers une convention de portage que nous avons confiée au Fonsis. Sous ce rapport, il est prévu sur la durée de la concession l’acquisition de 158 bus, articulés 100 % électriques, pour transporter en moyenne 300 000 voyageurs par jour sur 18 km de voies aménagées de façade à façade entre la Préfecture de Guédiawaye et Petersen, en desservant 23 stations modernes localisées dans 14 communes parmi les plus densément peuplées et congestionnées de la région de Dakar. Les temps de parcours seront réduits de moitié (1H30 au moins à 45 min) et 59 000 tonnes de CO2 économisées annuellement (1 tonne = à 6000 km de voiture en diésel).

Pouvez-vous revenir sur le contrat de concession ?

Le contrat de concession, signé le 21 mars dernier, sous la présidence effective du Président de la République, Son Excellence Macky Sall, et du Président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, permettra la création de 1000 emplois directs en phase exploitation avec un important volet sur la formation. Par ailleurs, pour répondre aux défis actuels et apporter les réponses adéquates aux besoins futurs, le Ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, à travers le Cetud, a lancé le projet Pap-2A de restructuration globale du réseau de transport en commun (Rtc). L’objectif est d’améliorer l’offre de services avec un système de rabattement efficace sur les transports de masse comme le Brt, le Ter… Le programme prioritaire de la restructuration est constitué de 32 lignes, un parc de 1000 bus neufs à gaz et électriques. La première phase (2022-2024) porte sur 14 lignes avec 400 bus sobres en carbone. Vous le voyez bien, le transport collectif urbain est en train d’opérer sa mue accélérée par des projets d’envergure qui réconcilient les objectifs de croissance économique, d’équité sociale et de performance environnementale. Demain, prendre sa voiture ne doit plus être signe ultime de réussite sociale.

 Propos recueillis par Oumar FEDIOR

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