Vous terminez par le Sénégal une visite en Afrique, qui vous a mené au Kenya et également au Nigéria. Vous repartez de l’Afrique avec quelle idée ?
« Je repars surtout avec l’idée que nous avons une opportunité de resserrer les liens de partenariat entre les Etats-Unis et l’Afrique. Non seulement de les resserrer mais aussi de les renouveler et d’avoir un vrai partenariat. Parce que quand on réfléchit sur les grands problèmes que nous avons devant nous, que ce soient les questions du climat, de la pandémie, de construire une économie inclusive pour tout le monde, défendre la démocratie, on ne peut pas le faire sans l’Afrique. Dans 25-30 ans, une personne sur quatre, sur notre planète, sera de l’Afrique. L’Afrique est incontournable. Et le Sénégal pour les Etats-Unis est un partenaire-clé. Parce que nous avons les mêmes valeurs, le désir de travailler ensemble. Et je repars à Washington, dans tous les cas pour moi, avec un grand enthousiasme pour justement construire ce partenariat pour l’avenir. Parce que je sais que c’est bon pour les Etats-Unis. Je pense que c’est bon pour les Africains. Et de toute manière, il faut que nous trouvions les moyens de nous soutenir et d’aller de l’avant ensemble. »
Ce partenariat passe par l’économie. L’économie est très importante. L’Afrique est très riche, elle a de l’or, du pétrole, du gaz… Mais, la jeunesse africaine dit qu’elle ne comprend pas la pauvreté dans laquelle elle vit. Les ressources africaines sont exportées, elles ne sont pas exploitées sur place. Est-ce que ce partenariat va se baser sur l’exploitation ici en Afrique ?
« Ça commence par ça. Parce que vous savez, il y a des besoins d’investissements en infrastructures, à travers le monde, surtout en Afrique. Des sommes énormes sont nécessaires pour le faire. Mais ce n’est seulement les ressources qu’on y met qui comptent mais comment on les utilise. Pour nous, ce qui est très important, c’est qu’il faut que ceux qui en bénéficient en premier soient les gens sur place, dans le pays en question, et pas les autres. Et, il faut que ces investissements se fassent, d’une manière où c’est la communauté locale qui en tire bénéfice. Que le pays en question, notre partenaire ne soit pas endetté, et dans une situation où à l’avenir s’il doit payer cette dette, que nous ayons en tête l’environnement des travailleurs, et qu’on fabrique des choses qui vont durer et de qualité. Surtout, il y a non seulement un investissement dans ce qu’on appelle hardware mais aussi dans le software. Un échange de connaissances et de capacités. Parce que le but, en fin de compte, que les problèmes et les opportunités en Afrique soient résolus par les Africains. Pour ça, il faut un transfert d’infrastructures mais de connaissance aussi. Ça, c’est le vrai partenariat. »
Le Millenium Challenge Account en est à son deuxième exercice, plus consacré à l’énergie. Le Sénégal s’apprête à exploiter ses ressources pétrolière et gazière. Aujourd’hui, on veut faire du gaz, une énergie fossile, ce que refuse le Sénégal.
« Ce que je prends en compte, c’est plusieurs choses. Il y a un combat qu’on est obligé de mener ensemble. Parce que si nous n’arrivons pas à nous assurer que les températures ne montent pas, au-delà de 1,5°C, nous avons une catastrophe devant nous. Vous avez déjà les conséquences. Ça, c’est une chose. En même temps, il faut faire accélérer l’utilisation d’énergie renouvelable mais, c’est une transition. Cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Nous comprenons que dans certains pays, certains partenaires, cette transition passera par l’utilisation d’autres méthodes, avant que cette transition se fasse. »
C’est ce que prône le président Macky Sall. Vous êtes en phase avec lui ?
« Il faut tenir ça en compte, absolument. Mais il y a une deuxième chose qui est importante, nous avons une responsabilité aux Etats-Unis parce qu’au cours de l’histoire, nous avons un pays qui s’est industrialisé très tôt. Nous avons beaucoup contribué historiquement au réchauffement de la planète et de l’émission de carbone. Maintenant, nous sommes à peu près responsables pour 15% des émissions. Cette responsabilité, nous dit que nous devons contribuer à la capacité d’adaptation et de résilience pour les pays en voie de développement. Il y a donc un fonds international pour ça. Le président Biden, au printemps, a doublé notre appui à ce fonds. Nous sommes absolument convaincus que d’autres pays développés devront faire de même pour s’assurer que les ressources soient là pour l’adaptation, pour la résilience, y compris le Sénégal. »
Vous êtes dans une région assez agitée, en Afrique de l’Ouest, et du Sahel, les coups d’Etat aujourd’hui en Guinée, et les problèmes réels de la démocratie. Est-ce que ces questions ont été abordées avec les chefs d’Etat africains et surtout l’histoire des 3es mandats ?
« Le Sénégal a un rôle clé à jouer parce que c’est une démocratie forte, avec une tradition d’institution et un leadership qui, je pense, peut porter le drapeau démocratique, dans la région et, au-delà de l’Afrique. La présidence de l’Union africaine (UA) par le Sénégal, l’année prochaine, c’est un moment très important. Parce que justement en ce moment nous avons ces défis qui s’annoncent au Sahel, nous voyons en Ethiopie, au Soudan et autres, des reculs. Je sais du président Macky Sall que c’est quelqu’un qui a beaucoup de foi en la Constitution du pays et, je suis sûr que c’est ça qu’il a en tête en menant la démocratie sénégalaise. »
Que dites vous des transitions au Mali et en Guinée où nous avons aujourd’hui des juntes militaires ?
« Il faut que ces transitions se fassent. Au Mali, il y a un plan qui a été dessiné par la CEDEAO, élection au printemps prochain, il faut que ces élections aient lieu. Nous travaillons avec des Institutions africaines, des partenaires au-delà de la région, y compris la France, pour soutenir la transition démocratique. Et aussi pour gérer ce problème très (très) difficile de la sécurité. On voit hélas l’extrémisme et le terrorisme se répandre au Sahel, il faut une approche compréhensive. C’est-à-dire il faut la sécurité mais cela ne suffit pas, il faut aussi que nous agissons au niveau du développement, au niveau des opportunités. Parce qu’il y a toujours un noyau dur, l’extrémisme, ça ne changera pas. Des gens ne semblent pas avoir le choix parce qu’il n’y a pas d’opportunités. Justement, il faut agir sur ça, à la fois sur les questions sécuritaires et les questions de développement, de créer des opportunités, de créer un vrai choix dans la vie. »
Est-ce que la présence de la Russie au Mali vous gêne ?
« Ce n’est pas utile du tout d’avoir des acteurs extérieurs surtout des acteurs comme les forces milices privées comme Wagner, qui ne résolvent pas le problème. »
Est-ce que le président Biden prévoit de venir au Sénégal ?
« Je suis sûr qu’il aimerait beaucoup venir. Je ne peux pas faire son emploi du temps mais je sais qu’il a une appréciation très positive du Sénégal. Il me l’a dit en quittant Washington. C’est d’ailleurs lui qui a planifié avec moi ce voyage en Afrique, au Kenya, au Nigéria et au Sénégal. Il sait que nous avons avec le Sénégal un partenaire clé en Afrique. Je suis sûr qu’il va trouver le moyen de venir. »