Tunisie, l’impossible formation d’un gouvernement
Le leader islamiste tunisien devenu président de l’ARP, l’Assemblée nationale tunisienne, Rached Ghannouchi, le maitre du jeu politique, subit un grave échec.
Une chronique de Wicem Souissi
Vers quelle impasse politique va conduire l’échec du mouvement islamiste Ennahdha à former un gouvernement ? Le parti dirigé par Rached Ghannouchi, qui préside également l’Assemblée des représentants du peuple, a vu son candidat à la présidence du gouvernement, Habib Jamli, échouer, et de très loin à obtenir une majorité. Seulement 72 voix sur 217, ont soutenu l’équipe gouvernementale qu’il a présentée, vendredi, pas moins de trois mois après les élections législatives du 6 octobre dernier.
Une redistribution des cartes
A présent que le parti arrivé en tête des législatives, avec cependant à peine le quart des sièges de députés à son actif, n’a pas été en mesure de former une coalition majoritaire pour gouverner, il appartient selon la Constitution au Président de la république, Kaïs Saïed, de désigner un nouveau candidat à la formation d’un gouvernement. Le chef de l’Etat, qui reprend ainsi la main, devra cependant composer avec son ancien adversaire à la présidentielle, Nabil Karoui, qui apparaît comme le principal bénéficiaire de la volée de bois vert parlementaire subie par les islamistes nahdhaouis.
Que le président de Qalb Tounès, Nabil Karoui, confronté aux concessions de dernière minutes d’Ennahdha, ait tenu tête à un projet de gouvernement où Ennahdha se taillait la part du lion, cela fait de lui le héros de la présente séquence politique. L’ancien candidat à la Présidentiellel a même à son actif l’exploit d’avoir neutralisé son ennemi juré, le toujours chef du gouvernement en exercice, Youssef Chahed.
Mais Nabil Karoui réussira-t-il à transformer l’essai ? Rien n’est moins sûr. L’émiettement parlementaire est tel, que Qalb Tounès, arrivé assurément deuxième aux législatives, n’est toutefois que le troisième groupe de l’Assemblée du fait du regroupement post-électoral des deux partis que sont « Le Mouvement du peuple » et « le Courant démocratique » en un seul bloc.
Procédures judiciaires
Sii ces deux derniers ont, certes, également voté contre le projet de gouvernement nahdhaoui, ils ne partagent guère la même vision économique que les partisans de Karoui dont les casseroles judiciaires sont, de surcroît, un casus belli pour le Courant démocratique de Mohamed Abbou.
Est-ce à dire que la Tunisie n’a point de perspectives de sortie de ces blocages pour se voir enfin dotée d’un gouvernement ? En réalité, c’est peut-être l’occasion de l’apprentissage du compromis ; tout comme le président, qui, lui, ne dispose d’aucune structure partisane et demeure assez éloigné de la politique pratiquée par les chefs de partis et leurs seconds couteaux, devra tôt ou tard commencer à faire tout simplement de la politique, et choisir la personnalité qui sied pour non seulement composer un futur gouvernement, loin de la mascarade Habib Jamli, mais aussi le faire adopter par le Parlement.
La menace de la dissolution
Kaïs Saïed est aussi maître de l’arme de la dissolution en cas de nouvel échec dans quarante jours. Ce qui est sans doute le bâton que craignent la plupart des élus tant ils doivent leur élection plus au scrutin à la proportionnelle qu’à leurs mérites propres. De plus, une remise en jeu face aux électeurs serait suicidaire compte tenu du spectacle affligeant qu’ils ont donné de leurs palabres au Parlement.
Un compromis l’emportera ? Possible ! Dans le cas contraire, les électeurs qui avaient plébiscité le candidat Saïed élu Président avec 72% des voix, pourraient plébisciter un nouveau parti qui se réclamerait de lui. La question d’un régime présidentiel se poserait à nouveau, comme elle est déja posée depuis le rêgne de Beji Caid Essebsi qui fut durant sa présidence entravé par les règles du jeu parlementaire qui progégeaient alirs le Premier ministre, Youssef Chahed.
La rédaction de mondafrique