EMIGRATION / DIASPORA

« Une seule traversée de la Manche générait entre 70 et 80 000 euros de bénéfices » : un réseau de passeurs démantelé en région parisienne

Une dizaine de personnes ont été arrêtées mardi, par la sous-direction de la lutte contre l’immigration irrégulière (SDLII). Les passeurs de cette filière hébergeaient, contre rémunération, des migrants désireux de traverser la Manche dans un pavillon désaffecté de région parisienne. D’autres membres assuraient l’organisation de la traversée vers les côtes anglaises.

Vaste coup de filet en région parisienne. Mardi 6 décembre, six hommes soupçonnés d’appartenir à un vaste réseau de passeurs entre l’Île-de-France et le Royaume-Uni ont été interpellés par la sous-direction de la lutte contre l’immigration irrégulière (SDLII). Cinq autres personnes soupçonnées d’appartenir à ce réseau ont également été arrêtées, affirme Le Parisien. Parmi elles, « un deuxième marchand de sommeil présumé et des passeurs de nationalité afghane ». Les arrestations ont eu lieu à Paris et dans plusieurs villes de région parisienne, ainsi qu’à Ussel, en Corrèze.

Les membres de cette filière hébergeaient des migrants dans un pavillon situé à Stains, en Seine-Saint-Denis, le temps que soit organisé leur périple pour l’Angleterre. Il en coûtait 200 euros par mois aux candidats à l’exil pour vivre dans ce « taudis » de trois étages. La veille des arrestations, 31 migrants, dont 29 Afghans, « s’entassaient encore » dans cette maison, dont les conditions de vie étaient « déplorables », a constaté la commissaire Justine Mangion, qui dirige le département de lutte contre la criminalité organisée, citée dans l’article.

Pour se nourrir, payer leur loyer et la traversée de la Manche, les exilés « vendaient des cigarettes à la sauvette », rapporte une source interrogée par le journal. Au bout de « un à trois mois », ils quittaient l’hébergement francilien, direction Calais, dans le nord de la France, en train. Le trajet entre Paris et les côtes anglaises était facturé « 3 500 euros », selon un policier.

Les traversées elles-mêmes étaient organisées par des passeurs kurdes. « Outre-Manche, un autre membre du réseau jouait le rôle de financier. Il récupérait l’argent et redistribuait les commissions à tous les complices », d’après une source policière. « Une seule traversée générait entre 70 et 80 000 euros de bénéfices au réseau. »

Les 31 migrants arrêtés durant l’interpellation de mardi devraient être auditionnés en tant que témoins. Une vingtaine d’entre eux auraient demandé l’asile.

Jusqu’à deux ans de prison ferme

Les arrestations de passeurs pour le Royaume-Uni ne sont pas rares, mais elles s’opèrent plus généralement dans le Nord de la France. Fin octobre, six membres d’un réseau irako-kurde ont été interpellés dans la région. Et début novembre, cinq membres d’une même filière de passeurs – trois hommes et deux femmes, âgés de 20 à 29 ans, quatre Français et un Irakien – ayant permis le passage de centaines de migrants vers le Royaume-Uni, ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer à des peines allant de 18 mois avec sursis à deux ans de prison ferme.

L’enquête avait débuté en janvier dernier, sur la base d’un renseignement néerlandais sur l’acheminement de « small boats » provenant d’Allemagne et transitant par les Pays-Bas, rapporte l’AFP. C’est en Allemagne que l’un des prévenus allait chercher les bateaux qu’il ramenait ensuite dans le nord de la France. Ces embarcations étaient stockées dans un hangar à Lille avant d’être acheminées vers les côtes.

« Le réseau aurait permis 1 547 tentatives ou passages réussis, favorisant la traversée d’au moins 2 600 migrants », du littoral nord de la France vers les côtes anglaises, a souligné la procureure.

Les traversées illégales entre les côtes françaises et les côtes anglaises ont pris beaucoup d’ampleur ces dernières années, et ce, malgré un durcissement toujours plus fort de la frontière. Près de 42 000 migrants ont réussi à atteindre les côtes britanniques depuis le début de l’année, un record absolu par rapport aux 28 500 personnes comptabilisées en 2021. Et la militarisation de la zone et la surveillance renforcée poussent les passeurs à expérimenter d’autres techniques de traversées.

“Depuis quelques mois, on voit de plus en plus d’embarcations du type utilisé en Méditerranée, de très longs bateaux pneumatiques qui peuvent prendre près de 100 personnes à bord », expliquait fin novembre à InfoMigrants Alain Ledaguenel, président de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de Dunkerque. Or, les bateaux des sauveteurs en mer, non équipés pour les sauvetages de masse, ne peuvent accueillir qu’une quarantaine de personnes. “Si on se retrouve avec un naufrage et des dizaines de personnes à l’eau, et qu’on a atteint quarante personnes à bord – qu’est-ce qu’on fait, on laisse les autres mourir ?”.

 

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page