MUSIQUE

60 ans aujourd’hui : Youssou Ndour, de la Médina à Bercy

La star planétaire Youssou Ndour fête ce 1er octobre son 60ème anniversaire. A cette occasion, IGFM vous propose ce texte qui retrace avec brio la carrière exceptionnelle du roi du Mbalax, qui a commencé à la Médina à l’âge de 13 ans pour se propager un peu partout dans le monde.

1. Les débuts

Dakar, à la charnière des années 60-70. Youssou Ndour est élève à l’Ecole de la Gendarmerie de Colobane. C’est un enfant de la Médina qui flâne avec ses copains et ne s’intéresse qu’à une chose: la musique. Il est d’abord attiré par l’orchestre Xalam 2 qui tient ses répétitions à côté de l’école qu’il fréquente. Il assiste souvent à ces répétitions et ne rêve que d’une chose: s’emparer du micro. L’opportunité lui sera offerte par Henri Guillabert et Youssou effectuera ses premiers pas dans la musique en amateur au Xalam.

Plus tard, il a une douzaine d’années quand il intègre la troupe théâtrale Sine Dramatique. Il ne l’intègre cependant pas en tant que comédien, mais plutôt pour meubler les intermèdes entre deux actes en chantant pour le public.

Il est ainsi remarqué par le saxophoniste du Dounya Orchestra, Saliou Dièye dit « Pacheco », qui sera bien plus tard l’auteur remarqué du tube « L’an 2000 ». Pacheco lui propose de rejoindre sa formation basée à Rufisque (ville située à 28 km de Dakar). C’est ainsi que Youssou commence sa formation artistique.

Mais, rapidement, il est contraint de quitter le Dounya, car les déplacements entre Dakar et Rufisque sont problématiques pour un jeune de la Médina désargenté. Pacheco l’aiguille alors vers une formation dakaroise réputée, le Diamono. Non pas le Diamono d’Omar Pène et compagnie, mais celui de Charlie Diop.

Ainsi, jusqu’en 1975, il chemine avec l’orchestre Diamono et un événement tragique va bouleverser sa carrière une première fois: le décès prématuré de Papa Samba Diop dit Mba. L’artiste saint-louisien, ténor du Star Band de Dakar, disparaît le 28 avril 1975 et c’est un choc pour la grande famille de la musique sénégalaise.

Pour venir en aide à la famille du disparu, le Comité National de la Musique organiqe alors un festival à Saint-Louis. Youssou et le Diamono participent évidemment au Festival et le jeune chanteur y interprète la chanson « Mba », écrite par Charlie Diop. Youssou éblouit l’audience et est même porté en triomphe. Une première qui allait en appeler beaucoup d’autres.

2. Le Star Band

Le public accroche à cette voix féminine, cassée, nasillarde, mais ô combien belle. Fort de son succès saint-louisien, Le Diamono lui demande donc de les suivre en tournée à Banjul et n’osant pas prévenir son père de son départ, Youssou y va sans son consentement. Ce dernier le tance sévèrement, mais, comprenant que son fils a un vrai talent, il le laisse assouvir sa passion en l’inscrivant à l’Institut des Arts de Dakar.

Au début de l’année 1976, un clash oppose les musiciens leaders du Star Band de Dakar que sont Pape Seck, Maguette Ndiaye, Yakhya Fall, Mamané Fall et Doudou Sow à leur patron, l’intransigeant Ibra Kassé. Ils quittent l’orchestre phare de la capitale sénégalaise pour créer leur propre formation, le Star Band Number One.

Youssou va alors, du haut de ses 16 printemps, aller proposer ses services au vieux Kassé. Le proporiétaire du Miami est d’abord dubitatif quant à la nécessité d’intégrer Youssou au Star Band. Il faut dire que, malgré les défections, l’orchestre regorge de chanteurs au talent reconnu: Laba Sosseh, Mar Seck, Pape Fall et Eric Mbacké N’Doye.

Youssou insiste et reçoit l’appui d’Idy Kassé, fils du boss et bassiste du Star Band. Malgré le fait qu’il n’eût qu’une poignée de chansons à son répertoire (Jalo, Totoo et Ndèye Ndongo), Ibra Kassé accepte de l’embaucher. Cependant, un dernier écueil se dresse devant Youssou: à l’Ecole des Arts où il est toujours étudiant, il est interdit de faire partie d’un orchestre.

Dans un premier temps, Youssou n’en a cure. Il suit les cours et le soir venu, va taper le boeuf avec ses aînés au Miami. Hélas, un surveillant de l’école eut vent de l’affaire et le dénonça. Youssou n’eut alors d’autre choix que de quitter l’établissement scolaire pour intégrer à plein temps le Star Band. Mais étant toujours mineur, c’est son père, Elimane, qui paraphe le contrat où il est payé 500 FCFA la soirée.

Le premier album auquel You participe est le Vol.8 du Star Band. Et son premier morceau, « Bouna Ndiaye »….

3. Star Band – Number One: le clash

En 1977, l’opposition entre le Star Band Number One qui deviendra par la suite le Number One de Dakar et le Star Band d’Ibra Kassé atteint des sommets. Ils font un carton avec « Maccaki » où Pape Seck s’adresse à Ibra Kassé: « Ndax taal bu Yalla taal, sanni ci matt’a gueun fay ko ».

Maccaki (Number One de Dakar)

Kassé fit monter le jeune You au micro pour répliquer aux « grands » du Number One, car entre-temps, Laba Sosseh avait quitté le Star Band ainsi que Mar Seck, qui avait lui rejoint le Number One. C’est ainsi qu’en reprenant le fameux « Thiely » de Pape Seck, il chanta : « Kuy lappi lappi, te du fii nga jaare ».

Thiely (STAR BAND DE DAKAR, VOL.11: BIRAME PENDA VAGANE) – 1978

4. Youssou quitte le Star Band et co-fonde l’Etoile

Il devient vite une des coqueluches du public (restreint) et essaie de renégocier son contrat. Car oui, Youssou est très ambitieux. Ibra Kassé refuse et le vire sans ménagement. Youssou lui réservera (plus tard) la primeur d’une de ses chansons à venir « Nit Kou Gnoul » (Etoile de Dakar – Tolou Badou Ndiaye) où il dit entre autres :

“Nga di ma ligeey lo ba xeuy ne ma daxx naa la, boobu ñakk fayda dal na ma ndax ba may door, Ndax ba may door aw ma këyit ya war…”

Il aura donc participé à 4 albums du Star Band (Vol. 8, 10, 11 et 12) tous parus en 1978, dont voici une playlist exhaustive.

Il rencontre alors Elhadj Faye qui lui propose de monter un nouvel orchestre. C’est ainsi que Badou Ndiaye, (guitare solo) Marc Sambou, (Trompette), Eric Mbacké Ndoye (chanteur) et Maguette Dieng Boy Gri (qui finalement ne fut pas retenu dans cette première selection ), furent associés à Rhane Diallo (qui avait fait un bref passage à Louga, venant de Saint Louis) Alla Seck, Assane Thiam, Alpha Seyni Kanté, pour rejoindre Kabou Gueye dans ce qui était l’Etoile de Dakar, en fait, un groupe avec Badou comme chef d’orchestre.

La musique de ce groupe fut fortement influencée par les goûts de Badou Ndiaye, excellent guitariste au doigté extraordinaire et qui avait un background, une inspiration et une polyvalence impressionnants doublés d’un talent inné de compositeur: entre autres;

Badou Ndiaye est en fait, l’inspirateur de ce style assez caractéristique – une synthèse des sonorités saturées à la « Santana » et du « Hendrix » tropicalisées – que jouent, si merveilleusement, Jimi Mbaye et un certain Hasse Wali (un toubab qui a séjourné au Sénégal mais que Badou a initié en Finlande et qui a, ensuite, formé le groupe Assamane avec Manel Diop et Yamar Thiam, entre autres musiciens récupérés de l’éphémère 2éme Groupe de You « le canal du cayor ») ; le plus de Badou est qu’il y ajoute le « degg galeñ » du Lougatois.

5. L’Etoile de Dakar: débuts fulgurants

A cette époque (nous sommes en 1978), le mbalax tel qu’on le connaît aujourd’hui n’existait pas, c’était un prolongement de musique afro-cubaine. D’ailleurs, le sabar n’avait pas encore fait son apparition dans les formations musicales, si ce n’est au Wato Sita avec le fils de Doudou Ndiaye Rose, Arona.
Le premier album réalisé est Xalis. Un album enregistré studio au Jandeer Night Club de Soumbedioune, qui reçoit un excellent accueil de la part du public, avec des titres tels que «Xalis», «Banana», «Thiely»…

Fort du succès de l’album Xalis, l’Etoile de Dakar se produit pour la première fois au Théâtre Daniel Sorano le 27 janvier 1979. Une soirée qui assoit définitivement la renommée du nouvel orchestre à la mode.

6. Etoile de Dakar, étoile filante

Chemin faisant, ils enregistrent entre 1979 et 1981, Absa Gueye (Vol1), Thiapathioly (Vol2), Tolou Badou Ndiaye, Yallay Doggal (aka Lay suma Lay) (Vol3), Xaley Etoile (Vol4) et Maleo (Vol5) donc.

Mais, très vite, dans la deuxième moitié de l’année 1981, les rapports entre Youssou et Elhadj Faye tournent au vinaigre. Youssou reproche essentiellement à Elhadj Faye son manque de sérieux et de professionnalisme ; ce dernier lui rétorque que lui (Youssou) n’est pas son patron, et qu’il n’avait pas d’ordre à recevoir d’un « enfant ».

C’est le schisme. Youssou comprend que s’il veut devenir « quelqu’un » dans le monde de la musique, il n’y a pas d’autre moyen que de créer son propre orchestre et d’en être à 100% le patron.
C’est ainsi que le 18 novembre 1981, Youssou Ndour réunit tous les membres de l’Etoile de Dakar et leur annone sa décision de quitter l’orchestre. Il dira dans une interview donnée au quotidien Le Soleil 3 jours plus tard, le 21 novembre:

« Mon nom m’impose à présent des devoirs que je ne peux esquiver : des devoirs familiaux, mais aussi des devoirs pour la promotion de la musique sénégalaise. Je me battrai de toutes mes forces pour réussir et je ne refuse, a priori, aucune aide, pourvu qu’elle soit sincère »

7. L’Etoile passe au Super

Il commence d’abord par recruter au sein de l’ex-Etoile de Dakar des musiciens. D’aucuns le suivent dans sa nouvelle aventure (Mbaye Dièye Faye, Assane Thiam, Ouzin Ndiaye, Rhane Diallo), d’autres comme Badou Ndiaye refusent. Youssou recrute aussi Papa Oumar Ngom, Marc Sambou, Magatte Dieng “Boy Gri”, Jimi Mbaye.

Une anecdote à propos de Jimi : du temps de l’Etoile, Jimi est appelé à l’origine pour jouer de la basse, mais, lors d’un concert, il remplace au pied levé Badou Ndiaye, malade. C’est sa révélation. Youssou s’en souviendra plus tard et l’embauchera donc comme guitariste solo.

Youssou recrute aussi Eric Mbacké Ndoye, car il avait besoin d’un chanteur pouvant interprèter des morceaux de salsa, musique toujours très populaire chez les mélomanes sénégalais.

Il propose à ses musiciens un système jamais vu dans un orchestre au Sénégal : ils seront salariés et recevront des primes lors des soirées et concerts. Mais Youssou a deux problèmes : il n’a pas d’argent et il n’a pas (encore) de nom de groupe.

Le problème d’argent sera contourné en empruntant à la BIAO (actuelle CBAO) de l’argent pour payer les musiciens et sortir au plus vite une cassette qui lui permettra d’avoir des liquidités. D’ailleurs, la première cassette porte le nom du groupe « Youssou Ndour et son Orchestre – Tabaski Ndakarou » en fin 81.

Youssou ne mettra pas longtemps à trouver un nom d’orchestre : le Super Etoile de Dakar. Elhadj Faye réplique en mettant sur pied l’Etoile 2000. La concurrence bat son plein. Youssou sait qu’il doit s’imposer et travaille comme un damné. Le Super a trouvé un producteur TOUBA K7 et sort quatre cassettes en 1982 : Tabaski (Vol1), Ndakarou Xarit (Vol2), Indépendance (Vol3) et Banjoly Ndiaye (Vol4).

8. 1982, année prolifique

Youssou et le Super Etoile produisent durant l’année 1982 coup sur coup 4 albums. Cette frénésie s’explique en partie par la concurrence d’Elhadj Faye et son Etoile2000.

Ces 4 albums sont truffés de tubes laudateurs qui valent à Youssou la sympathie et la générosité de gens très riches. Malgré tout, ces volumes recèlent de pépites qui sont toujours au répertoire de You, tels Atou, Ndakarou, Ndiadiane Ndiaye…et le fabuleux Mouye Ma.

9. L’aventure continue avec Yarou et Djamil

Au début de l’année 1983, le 28 janvier, Youssou Ndour et le Super Etoile fêtent leur 1er anniversaire au Théâtre Daniel Sorano. La salle est archi-comble et on peut dire que le leadership de Youssou sur la musique sénégalaise commence là.

Autrement, Youssou se produit au Sahel et tous les matins, il va lui-même déposer la recette de la soirée. Il s’en sort cependant difficilement. En 1983, il sort encore deux cassettes : le chef d’œuvre Yarou (Vol.5) et Djamil (Vol.6).

Yarou regorge de pépites tels Badiene Oulimata, Yarou et surtout Assurance Malick Diop, connu aussi sous le titre Hileer Yi. Djamil est encore plus accompli avec le morceau que je considère comme le plus « mbalax » de You: Mbargueth. Alla est au sommet de son immense talent et l’orchestre suit. Dans ce 6ème opus du Super Etoile, il y a une chanson assez méconnue, mais qui vaut absolument le détour: Yalla. Ce morceau est interprété par Rhane Diallo, secondé par You et Ouzin. Il est juste superbe.

10. Adieu Marco

Nous sommes toujours en 1983, et peu après la sortie de Djamil (Vol.6), son ami Marc Sambou le trompettiste, disparaît. Youssou, très affecté, lui dédie le 7ème opus du Super Etoile: DABY, titre qui fera polémique au sein de la grande famille gawlo.
Notons au passage que cet album contient la première version du plus gros tube d’Ouzin Ndiaye: « Baye Waly ».

L’année 1983 est une année très chargée puisque le Super Etoile entame une tournée ouest-africaine et fait un triomphe à Abidjan. Un album live sera d’ailleurs mis sur le marché avec un « Mbargueth » et un « Wagane » extraordinaires.

C’est lors de cette tournée ouest-africaine qu’il rencontra la « vieille dame de Bamako ». En effet, juste après son arrivée à la gare de la capiale du Mali, une vieille dame l’aborde de façon informelle et lui prédit son avenir d’une manière très mystique. Cette rencontre marqua profondément You, qui lui consacrera une chanson (Bamako), cinq ans plus tard.

11. Habib Faye, le génie

Beaucoup de très grands musiciens sont passés par le Super Etoile. Mais il en est un dont le destin sera lié à vie à celui de Youssou N’dour et du Super Etoile, c’est Habib Faye. Il a révolutionné, modernisé, pensé la musique du Super Etoile. On peut dire, sans doute aucun, que c’est le plus grand instrumentiste que le Sénégal ait connu. Un génie.

En 1984, lorsque Youssou doit se rendre à Paris pour enregistrer l’album IMMIGRES (Vol8), un événement important (je pèse mes mots) va marquer la vie du Super Etoile. En effet, en 1984, Kabou Guèye était le bassiste du Super Etoile. Techniquement, le rôle du bassiste dans le mbalax à l’époque consistait à jouer comme un batteur de tam-tam. C’est-à-dire qu’il imprimait le rythme qu’aurait dû imprimer le « thiol ». D’autre part, il n’avait pas de vrai batteur moderne (drums). Magatte Dieng « Boy Gri » ne jouait pas réellement de la batterie, mais plutôt des cymbales. Youssou savait que, pour percer sur la scène internationale, il devait se rapprocher des standards modernes. Il avait donc besoin d’un bassiste « moderne », tel Bob Sène du Diamono ou Baye Babou du Xalam, et d’un batteur. Il n’ira pas loin pour les trouver.

Le jeune Habib Faye (18 ans) était au Super Etoile 2 que Youssou avait créé avec Adama Faye (le frère de Habib). Il s’était fait un nom depuis le fameux concert des Touré Kunda à Demba Diop. En effet, ce soir-là, le Super Diamono devait faire la première partie du concert. Malheureusement, Bob Sène était absent. Lamine Faye et Ismaël Lo insistèrent pour qu’Habib le remplace au pied levé. Il faut dire qu’Habib était presque un membre officieux du Diamono. Bob Sène l’avait pris sous son aile, avec la bienveillance du grand Adama Faye. Habib fut prodigieux lors dudit concert et époustoufla encore la foule dakaroise lors d’un autre concert au Lycée Kennedy quelques jours plus tard.

Ainsi, le talent d’Habib était tel que, malgré son jeune âge, Youssou l’emmena avec lui sans hésiter. Il ne tarda pas à être le dépositaire du son Super Etoile. Habib fit voler en éclats toutes les certitudes qu’on avait sur le jeu de la basse dans la musique sénégalaise à travers le sublime « Bekoor », dont tous les puristes continuent de dire que c’est une ligne de basse prodigieuse. Sa façon de jouer devint vite LA référence au point d’influencer toute une génération de bassistes tels Samba Laobé Ndiaye, Itou Dieng, etc.

De même, côté batterie, Youssou fit des pieds et des mains pour convaincre Pape Mamadou Dieng, un excellent batteur, d’intégrer le Super Etoile. Mais, lui ne voulait participer qu’aux sessions Studio. Il voulait coûte que coûte garder son indépendance. C’est ainsi que Youssou engagea Fallou « Gallas » Niang qui jouait avec le Super Etoile en live, la partie studio étant donc dévolue à « Diengos ».

12. Le début de l’ère moderne

On peut donc considérer que c’est à partir de l’album Immigrés que la musique du Super Etoile entre dans la modernité. Mon premier coup de cœur pour Youssou date d’ailleurs du jour où j’ai écouté « Pithie Mi ». Réécoutez ce tempo jazzy, la complainte de la guitare de Jimi qui ne s’arrête jamais… Cet album est d’un grande richesse avec des classiques comme « Immigrés » et « Taaw ».

13. Honda

Une fois « IMMIGRES » mis en boite, Youssou donna un concert à Paris. Celui-ci se déroula dans des conditions très dures. Il était organisé par l’Association des Taximen Sénégalais de France. Mais, si c’est dans la difficulté qu’on apprend, alors on peut dire que Youssou apprend vite. Malgré tout, ce concert fut enregistré et mis sur cassette sous le nom : Honda – Live in Paris.

Pourquoi « Honda »? Parce que tout simplement, les représentants de la marque nipponne au Sénégal avaient besoin d’un support musical pour vendre leur nouvelle Honda Civic. Qui mieux que You, la star montante pouvait l’interpréter, se dirent-ils. Youssou leur proposa donc de chanter les louanges de leur auto lors de son passage à Paris. En échange, ils lui offrirent la voiture que l’on voit sur la pochette de l’album ainsi qu’une forte somme d’argent.

« HONDA » est un album qui traduit tout le potentiel du jeune Super Etoile avec le morceau éponyme marqué par les fulgurances d’Alla Seck… Cet album contient aussi l’extraordinaire « Djamil » long d’un quart d’heure et la plus belle version de « Baay Waly » d’Ouzin Ndiaye.

14. You – Peter Gabriel: la rencontre

C’est durant cette année 1984 que le destin de You prend un nouveau tournant. Peter Gabriel assiste au concert Africa Fête à Paris et il est subjugué par la voix du patron du Super Etoile. L’amitié est vite nouée avec celui dont Gabriel dit qu’il a la plus belle voix du monde. L’ex-chanteur de Genesis lui propose ainsi de participer à son nouvel album: SO. Il y interprète avec Gabriel la chanson In your eyes. Il est ainsi remarqué par le label Celluloïd qui le signe dans la foulée.

Durant le dernier trimestre 84, Youssou et le Super Etoile enregistrent l’album: Africa – Debeub (Vol.9). Avec la chanson « Africa (Demb) », un chef d’oeuvre, Youssou se lance dans la chanson engagée. Il prône l’unité de l’Afrique et fait moins dans la louange.
L’album vaut aussi par l’excellent « Awa Guèye », qui s’imposera comme le tube de l’album et l’éternel « Nanette Ada ».

15. Le début de l’engagement

L’engagement esquissé dans le volume précédent (Africa) s’accentuera en 1985 où il édite trois cassettes : Ndobine (Vol. 10), Bekoor (Vol.11) et Nelson Mandela , produit par Celluloid (Album International).

Outre le titre « Ndobine », ce Vol.10 est surtout marqué par l’émouvant Badou et le génial Djamil. Ce dernier morceau est assurément l’une des plus belles réussites de You…

16. Nelson Mandela

Nous sommes toujours en 1985. Le Super Etoile grave ce qui peut être considéré comme son opus le plus engagé. Ainsi, dans BEKOOR (Vol.11), il met le doigt sur la sécheresse (Beekoor), sur l’apartheid, sur l’émigration (Wareef) et sur l’enfance (Xaley Rewmi). Musicalement, le pli est pris. Habib Faye écrit ce qui est peut-être sa plus belle ligne de basse dans le titre « Beekoor ». La musique du Super Etoile se modernise de plus en plus, les claviers se faisant plus présents. Bref, le rythme s’occidentalise.

Youssou se fait de plus en plus connaître en Europe. Il est ainsi invité par Jacques Higelin à faire la première partie de ses concerts avec Mory Kanté à Bercy. Il était programmé que Mory Kanté commence les soirées, laisser la place au Super Etoile qui devait juste jouer 2-3 morceaux. Mory Kanté refusa de jouer avant Youssou qui fut contraint de jouer avant les autres. Cette tournée se finit malheureusement assez mal, car au lieu de 3 semaines, la tournée s’arrêta au bout de 15 jours. Youssou apprenait toujours dans la difficulté. Et le pire était à venir.

17. Youssou perd son orchestre

Beaucoup de gens glosent sur l’intransigeance de Youssou N’Dour sur tout ce qui touche à son business. Certains disent que c’est un « profiteur ». Je pense qu’il a commis et qu’il commet toujours certaines erreurs à ce niveau, mais, toute cette business-attitude est, selon moi, due à un événement survenu courant 85.

En effet, Demba Ndir, à l’époque propriétaire-gérant du Sahel, avait proposé à tous les musiciens du Super Etoile de l’époque de racheter leur contrat. Bien sûr, il l’avait fait à l’insu de Youssou.

Il leur avait donc proposé des salaires largement supérieurs, du nouveau matériel, des conditions bien meilleures en gros. Ils avaient tous signé le contrat que Demba Ndir leur proposait. Deux personnes avaient alors refusé ou, du moins, hésitaient encore à signer : Ouzin Ndiaye et Assane Thiam. Youssou n’avait de fait plus d’orchestre !!!
Quand il fut mis au parfum, Youssou n’y alla pas par quatre chemins. Il déposa une plainte à la Police. Malheureusement pour lui, il n’était pas dans son bon droit, et la seule chose que lui conseillèrent les limiers, c’était de racheter les contrats, c’est-à-dire rembourser les avances déjà consenties par Demba Ndir. Youssou, qui n’était pas encore le Crésus qu’on connaît aujourd’hui, parvint tant bien que mal à réunir l’argent nécessaire à la récupération de ses musiciens.

Demba Ndir (décédé en avril 2010) se résigna alors à engager d’autres musiciens pour monter un groupe qui fit long feu: le Jaloré. Depuis cet incident, Youssou tient son orchestre d’une main de fer….

18. Jamm-La-Paix, un bijou !

De retour d’une tournée harassante, Youssou enregistre en 1986 ce qui est (ça n’engage que moi) son meilleur album : Jamm-La-Paix (Vol.12). Pour être honnête, c’est en 1998 que j’ai REdécouvert cette cassette qui traînait chez moi et que j’ai eu la curiosité de mettre dans mon autoradio. Pour voir ! Et j’ai vu ! Cette cassette sent la rage de réussir et marque les débuts du marimbalax…

D’aucuns soutiennent que c’est Tapha Faye (ex-Lemzo Diamono) qui est précurseur de ce son, d’autres disent c’est Habib Faye. C’est en fait leur grand frère Adama Faye qui intègre ce son si particulier au rythme mbalax. Et Habib, qui tâte du clavier, fut le premier à le jouer dans le morceau « Sabar » que beaucoup de gens connaissent sous le titre « Wëndeelu ». A ce propos, Habib Faye qui n’avait jamais joué du clavier, fut «obligé» par Youssou. Habib refusait d’y toucher car, disait-il, il avait peur de mal faire, de fausser le rythme etc… Youssou lui rétorqua : «tu es un grand musicien, et un grand musicien doit savoir tout jouer. Tu peux le faire». On connaît le résultat.

19. You aide le Super Etoile II

En marge de JAMM-LA-PAIX, Youssou promeut la cassette du Super Etoile 2, Ndeetel Weer Wi… Cette cassette est d’excellente facture et le Super Etoile I y va de son morceau pour faire vendre l’opus.

Le morceau en question est Jimaamu et c’est le dernier morceau sur lequel Alla Seck posera sa voix…. Je reviendrai sur cet événement tragique. Dégustons Jimaamu, un morceau juste fabuleux où les vents font des merveilles….
Jimaamu (Super Etoile 2)

20. Alla s’en est allé

Nous en étions donc à la fin de 1986, l’année 1987 est marquée par le décès d’Alla Seck. Une perte énorme, non seulement pour le Super Etoile, mais aussi pour la musique sénégalaise. Les moins jeunes ne le connaissent pas très bien, mais, il est certainement à la base de très nombreuses danses (voir l’onglet Videos: http://deejayotis.blogspot.com/p/letoile-de-dakar-19791981.…). Alla était en plus de cela un bon chanteur, qui était ce qu’on appelle chez nous, le « xorom » du Super Etoile. Sa façon d’occuper la scène et d’animer vocalement les concerts était unique. D’ailleurs, c’était la seule personne autorisée à improviser un « cabaxal » en plein enregistrement studio. Les cassettes du Super Etoile en sont toujours témoin. Après cet événement malheureux, la vie devait continuer. Show must go on…comme on dit.

Youssou fut invité par son Pygmalion Peter Gabriel à assurer la première partie des concerts de sa tournée mondiale 1987. Youssou avait déjà commencé à se faire la main lors de la tournée Amnesty International en 1986. Une anecdote intéressante à cette occasion : lors de son premier passage à Bercy, les musiciens des grands groupes présents snobaient littéralement ceux du Super Etoile dont ils n’avaient jamais entendu parler et qui avaient certains instruments qui les faisaient presque rire (tama, sabar). Dès le premier soir, ils furent tous subjugués d’entendre des sons dont ils ignoraient l’existence. Ils furent pour le moins très intrigués par tous les sons qu’Assane Thiam pouvait sortir de son tama. D’où l’appellation de «talking drum» . Après, ce ne fut plus jamais la même chanson, si je puis dire. Ils furent respectés et autrement regardés.

21. Kocc Barma

Lors de la Tournée So de Peter Gabriel, Youssou apprend à économiser sa voix, il se professionnalise. En effet, il se rend compte, après une extinction de voix, que chanter fort, n’est pas toujours nécessaire et que, sur la durée, cela pourrait lui poser des soucis. Il commence aussi à mieux gérer sa boulimie de studio. D’ailleurs en 1987, il ne sort qu’une cassette : Kocc Barma (Vol.13). Parallèlement à cela, et c’est une conséquence de la disparition d’Alla Seck, Youssou se met à bouger sur scène. Il apprend à danser et se lâche enfin, laissant aux oubliettes l’image du You immobile tel un piquet devant son micro.

Cet album est un grand cru! On sent que Youssou a enfin compris qu’il ne servait à rien de sortir plusieurs cassettes dans l’année. Je me souviens aussi qu’à la sortie de KOCC BARMA, les critiques se plaignaient de l’éloignement progressif de You par rapport au mbalax pur et dur. Il n’empêche que ces mêmes critiques louèrent par la suite la qualité musicale de morceaux tels que Bes, Old Tucson, Juum (une pépite) et l’inoubliable Woo Ma…

22. L’hommage aux Lions

L’année 1988 est marquée par une participation à la (nouvelle) tournée d’Amnesty International. Cette tournée est pour lui l’occasion d’apprendre auprès de monuments de la musique comme Sting, Peter Gabriel et autres Bruce Springsteen.

Le Super Etoile s’aguerrit et offre sur scène des prestations époustouflantes, notamment celle du 15 octobre 1988 à Buenos Aires. A cette occasion, il intègre à titre exceptionnel le batteur Pape Dieng dit « Diengos » qui démontre là tout son talent.

Sur le plan local, Youssou sort un opus intitulé Gaïndé(Vol.14), en hommage aux Lions du Sénégal.

Une réussite majeure dans la discographie de You, tant le son y est moderne. Elle porte la marque d’Habib Faye et de l’excellent drummer Pape Mamadou Dieng qui imprime sur cet opus un rythme extraordinaire. Outre le titre éponyme, cette cassette renferme quelques pépites comme Mool, Hey You, Fénéne, Bamako et surtout, le très émouvant Mercy (« Pitié » en anglais).

Cette dernière chanson est la seule et unique que You n’a jamais chanté sur scène. Elle est dédiée à Alla Seck et You en a fait un point d’honneur. Les paroles de cette chanson mettent en exergue une des tares de notre société : l’utilisation des pouvoirs occultes dans le but de nuire à son prochain.

23. You signe chez Virgin

Mais l’événement majeur est la signature de Youssou dans la prestigieuse major Virgin. Il avait été remarqué par cette maison de disque depuis 1986 et sa première tournée internationale. Il signe donc pour trois albums (1 par an à partir de 1989). Il fait la connaissance de Michelle Lahana « La Gazelle » dont il fait son manager à l’international. Elle présentait l’émission Canal Tropical sur RFI et s’occupait jusque là des intérêts d’Alpha Blondy. Youssou s’entoure de personnes de confiance pour réussir la seule qui l’obnubile alors : réussir enfin à exporter le mbalax.

Premier fruit du contrat signé avec Virgin, Youssou sort en 1989 The Lion pour le marché international. Virgin a investi beaucoup d’argent sur cet album qui reprend les tubes nationaux de Youssou dans des canons musicaux plus accessibles aux oreilles occidentales.

Les plages de synthétiseurs occupent une grande partie des chansons revisitées et les arrangements sophistiqués sont dignes des studios de haute technologie. Peter Gabriel participe au duo inédit Shakin’ the tree, et conseille (influence) fortement Youssou. Autres grands musiciens qui participent à l’album , l’immense saxo David Sanborn (dans l’excellent « My Daughter ») et Brandford Marsalis dans « The truth »…

24. Montreux

THE LION fait débat, car il est vécu comme un déracinement de la musique sénégalaise. Il faut savoir que les maisons de disque comme Barclay, Island et Virgin exigent à tous les musiciens dont ils assurent les promotions artistiques une fidélité au tempo musical qui fait autorité sur le marché mondial. Youssou n’aurait-il pas vendu son âme au diable Virgin ? Pourquoi abâtardir le mbalax à ce point ?

Durant l’été 89, You profite de sa présence en Europe pour participer au plus grand festival de jazz au monde : le Montreux Jazz Festival qui a vu passer les plus grands : Miles Davis, Marvin Gaye, BB King, Marcus Miller et j’en passe. Il franchit ainsi un palier dans sa soif de reconnaissance.

25. Set

De retour à Dakar, Youssou retourne en studio et, porté par la vague du mouvement Set-Settal, sort sa nouvelle cassette « nationale » : Set (Vol.15). Cassette nationale, car, à partir de cet opus, il faut distinguer les productions nationales de You, plutôt orientées Mbalax, et les productions internationales, labellisés sous le nom passe-partout de World Music (un terme que j’abhorre).

SET donc, sort sur le marché national en décembre 1989 et est accompagné d’une cassette de reprises : Hors-série Jamm. Cette cassette de remix est le premier d’une longue série qui continue toujours. SET est une réussite, car il contient des chansons fortes et engagées : Toxiques (qui fustige le fait que l’Europe paie le tiers-monde pour faire recycler ses déchets toxiques), Sineebar (contre la drogue) et bien sûr Set. Le morceau qui m’a le plus marqué reste l’excellent Cuul Anta.

Set reste un morceau incontournable (avec les phrases d’Ibou Cissé à la guitare) et Fakastalu est une pépite, avec notamment une prestation haut de gamme de Habib Faye aux claviers. L’album de remix JAMM contient quelques morceaux musclés tels Diamono (une des plus belles lignes de basse d’Habib Faye), Salimata et Mbargueth.

Salimata marquera des générations d’amoureux et on gardera toujours en mémoire l’échange entre Jimi Mbaye (guitare) et l’exubérant (au bon sens du terme) Issa Cissokho… Néanmoins, le morceau qui m’a le plus impressionné et qui continue d’avoir le même effet reste Diamono, autant par la musique que par les paroles.

En 1990, Youssou et Virgin utilisent la même recette que pour la confection de The Lion, à savoir qu’ils retravaillent les morceaux de la cassette. En même temps qu’une tournée européenne qui passe par Paris le 2 novembre 1990 à l’Olympia, SET, le deuxième album labellisé Virgin, sort en octobre. Le résultat est bien meilleur. Le Super Etoile de Dakar associé à treize autres musiciens enregistre le nouvel album.

Le violoncelle et l’accordéon notamment font leur apparition dans la musique de You, ce qui confère à cet opus une dimension acoustique certaine. Youssou donne là toute la mesure de son talent en révélant une richesse musicale considérable. L’album contient notamment un morceau d’une beauté et d’une poésie exceptionnelles: Ay Coono La.

26. You/Virgin : le divorce

Malheureusement, Set précipite le divorce avec Virgin, car, si dans l’univers de la « world music », les critiques sont très favorables, les sacro-saintes ventes de disques semblent insuffisantes pour le label. Ainsi, en avril 1991, la major décide de ne pas renouveler le contrat de Youssou, sacrifié sur l’autel de la productivité et du business.

Entre-temps, en décembre 1990, Youssou sort ses traditionnelles cassettes de fin d’année pour satisfaire ses fans nationaux : Hors-Série Remix et Live Olympia.

Le premier est une cassette de reprises incluant le tube Alboury (Du ma kombin bëre). L’opus est vite au sommet des ventes, mû par l’excellent Yarou (Samba Abidjan, Samba Lafayette) et les très belles reprises de Woo Ma et de Walo.

Le second opus de cette fin d’année 1990 est le rendu du concert donné à Paris en octobre 1990.

En 1991, Youssou décide de tourner la page Virgin et se lance dans l’organisation d’un méga-concert en hommage à Nelson Mandela. Il invite des personnalités du monde entier parmi lesquelles le cinéaste Spike Lee. Ce dernier, séduit par la qualité et l’ambition de You, lui propose peu de temps après de signer dans sa maison de production : 40 Acres and A Mule MusicWorks. Ce label est baptisé ainsi en hommage aux esclaves affranchis auxquels on offrait comme cadeau dérisoire une mule et 40 ares de terre.

1991 est une année chargée, car Youssou Ndour et le Super Etoile fêtent leur 10ème anniversaire. Ils décident de marquer le coup et célèbrent leur première décade en donnant deux concerts, l’un au Stade Demba Diop et l’autre, mémorable, au Théâtre National Daniel Sorano. Ce dernier événement est rehaussé par la présence du Président Abdou Diouf et sera l’objet d’une cassette vidéo intitulée: YOUSSOU N’DOUR ET LE SUPER ETOILE DE DAKAR/ LE 10ème ANNIVERSAIRE

(source dejayotis blogspot)

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page