SOCIETE / FAITS DIVERS

Cimetières de Mbao, de Ziguinchor, Musée du Joola : Les symboles à l’abandon d’une tragédie

Il y a 19 ans, le Joola faisait son dernier voyage. Il y a 19 ans, le Sénégal vivait sa plus grande tragédie. La plus grande tragédie maritime mondiale. Depuis ce triste 26 septembre 2002, les familles des victimes des naufragés se battent pour encore cette histoire dans la mémoire de ce pays, qui a du mal à entretenir les souvenirs de cet événement qui a fait près de 2 mille morts. Aujourd’hui les symboles de cette tragédie sont à l’abandon. Les cimetières du Joola à Mbao et Ziguinchor et le Musée du Joola, qui devaient nous rappeler que nos morts font partie de notre sombre passé, ne sont pas intégrés dans nos livres d’histoire. Une négligence qui rappelle que nos fragilités d’hier font partie de notre quotidien. 

La veille de commémoration de l’An 19 du naufrage du Joola prévue ce dimanche 26 septembre 2021 n’aura pas dérogé à la règle. Et ce, avec le nettoyage dimanche dernier, du cimetière de Kantène où reposent 42 victimes du naufrage et qui a fini de faire peau neuve. Une opération à l’actif des familles des vicitmes du Joola, des forces de défense et de sécurité, des associations de jeunesse, des scouts, de la mairie, etc.
Une forte mobilisation cito­yenne a été notée également ce mercredi pour le nettoyage du cimetière de Cabadio-Niafrang où sont enterrés 34 corps de victimes du naufrage repêchés sur les cotes gambiennes. C’est dire l’importance de ces cimetières pour les familles des vicitmes du Joola. Des familles qui n’ont ni reçu ni vu de corps des vicitmes ; et des familles dont certaines n’ont toujours pas fait leur deuil, 19 ans après. Car sur 2000 victimes recensées du naufrage du Joola, seuls 482 corps ont été repêchés et enterrés dans quatre cimetières ; à savoir ceux de Cabadio, Kantène, Mbao et Bassori en Gambie. C’est dire, de l’avis de Elie Diatta, responsable du Directoire national des familles des victimes, que les cimetières constituent leurs seuls lieux de soulagement voire le condensé de la plaque tournante du naufrage. Et seul le renflouement du bateau Le Joola permettra aux familles des victimes d’enclencher, argue-t-il, le processus du soulagement voire de guérison. Il en veut pour preuve qu’aujourd’hui, 1 milliard de francs Cfa sont encore dans les caisses de l’Etat du fait de renoncement de familles de vicitmes de leurs indemnisations. «Ces familles de victimes ont refusé ces indemnisations car n’ayant pas encore et toujours fait leur deuil, n’ayant pas encore pu se libérer du choc traumatique causé par ce naufrage», souligne Elie Diatta dont le frère Michel Diatta repose au cimetière de Cabadio-Niafrang. Et pour qui le renflouement du Joola, qui va réveiller de mauvais souvenirs et fera mal sur le coup, constituera un déclic pour les familles des vicitmes. «Ce sera un déclic qui fera mal mais qui va déclencher le processus de guérison pour de nombreuses familles éplorées par ce drame», soutient-il.
Dans la même veine, Elie Diatta a pointé du doigt les quatre points qui figurent encore dans le dossier de revendications des familles des victimes. A savoir l’entretien des cimetières qui est en train de trouver, dit-il, un début de solution avec la décision des autorités étatiques d’investir dans ce volet, la question du renflouement du Joola toujours restée en l’état, et la vérité et la justice sur ce naufrage et la prise en charge psychologique des familles des victimes.

Le dossier du Joola est dans de bonnes dispositions
Quid de la question des pupilles de la Nation ? Elie Diatta estime que cette revendication est en voie de trouver un début de solution, et ce, avec la remise le mercredi dernier, de chèques symboliques comptant pour la rétrocession de la prise en charge par l’Etat des orphelins majeurs laissés en rade par le décret d’application de 2009 mais en conformité avec la loi de 2006. «Les autorités étatiques sont aujourd’hui dans de réelles dispositions de remettre sur la table tout le dossier du Joola», souligne-t-il. Une manière pour Elie Diatta, au nom des familles de victimes, de magnifier les avancées de taille notées dans le dossier du Joola à l’actif du président de la République qui ne cesse aujourd’hui de prêter, dit-il, une oreille attentive à leurs préoccupations. Et de citer en guise d’illustration, outre le progrès noté dans le dossier des pupilles laissées en rade, le Mémorial-Musée qui est en chantier et dont les familles des victimes espèrent la réception l’année prochaine. «Notre seul cri du cœur aujourd’hui, c’est d’avoir l’occasion de s’asseoir avec le chef de l’Etat pour évaluer ce qui reste avec les familles des victimes. Et permettre du coup de boucler définitivement le dossier du Joola pour entamer un travail de mémoire», dixit Elie Diatta, qui invite les autorités à leur prêter une oreille attentive et à persévérer dans le cadre de l’accompagnement des familles des vicitmes et de la prise en charge de leurs revendications.

Mémorial-Musée Le Joola : un chantier en bonne voie
Objet de plusieurs années de revendications de l’Association nationale des familles de victimes du naufrage du Joola, le Mémorial-Musée, en hommage aux disparus du drame, est en voie de réalisation. Lancés le 20 décembre 2019 à la Place des Naufragés, les travaux d’édification, prévus pour une durée de 18 mois, connaissent aujourd’hui une phase d’exécution très avancée avec des ouvriers qui sont à pied d’œuvre pour la livraison de l’édifice pour l’année prochaine. Une dynamique boostée en outre par les directives du président de la Répu­blique qui, lors du Conseil des ministres du 15 septembre dernier, a donné des instructions au ministre de la Culture et de la communication, sur la nécessité d’accélérer les travaux d’édification du Mé­morial-Musée dédié aux disparus. D’ailleurs, une visite d’une délégation gouvernementale est prévue sur le chantier du Mémorial ce di­manche, juste après la cérémonie officielle de commémoration du naufrage du Joola au Port de Zi­guinchor. Occasion pour les autorités gouvernementales de constater de visu, l’état d’avancement des travaux du Mémo­rial-Musée d’un coût estimé à environ 3 milliards de francs Cfa.

Par Ibou MANE (Correspondant) – imane@lequotidien.sn

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