Exposition au village des arts : la Barbade, à la conquête du Dak’Art
La Biennale des arts ouverte le 7 novembre dernier, le village des arts de Dakar a accueilli plusieurs artistes venus de divers continents. Andrea Wells, Directrice de la Fondation Nationale de la Culture de la Barbade orchestre la première participation de l’île caribéenne à l’événement africain pour tisser un lien culturel au-delà des océans.
La Barbade a marqué un tournant historique cette année en prenant part pour la première fois à la Biennale de Dakar, l’une des plus prestigieuses rencontres artistiques du continent africain. Sous la direction d’Andrea Wells, directrice culturelle de la Fondation Nationale de la Culture de la Barbade, ce projet transculturel inédit a permis à l’île caribéenne de présenter ses artistes et de partager des fragments de son identité visuelle et historique avec le public africain.
Andrea Wells a impulsé le projet Transatlantic One, une initiative qui permet de raconter l’histoire de la Barbade et de sa culture afro-caribéenne à travers l’art visuel. « C’est la toute première fois que la Barbade est représentée par un collectif d’artistes à la Biennale», souligne Wells avec fierté. L’exposition regroupe les œuvres de onze artistes barbadiens qui explorent des thèmes universels tels que l’héritage africain, les mythologies caribéennes et l’expérience de la diaspora.
Malgré des retards d’expédition, une solution a été trouvée : les œuvres sont présentées numériquement, une approche novatrice qui permet aux artistes de dialoguer avec le public malgré les aléas logistiques. Le Village des Arts, à Dakar, s’est ainsi transformé en un espace immersif où les visiteurs peuvent découvrir, via des écrans, les créations uniques des artistes barbadiens.
Parmi les artistes exposés, Russell Watson se distingue par son exploration de la mythologie afro-caribéenne et de la relation intime entre la Barbade et la mer. Ses œuvres utilisent la mer comme symbole de la continuité spirituelle et des liens ancestraux qui transcendent le temps et l’espace. Inspiré par le corail, élément fondateur de la géographie et de l’identité de la Barbade, Watson exprime à travers son travail la résilience d’un peuple enraciné dans une terre corallienne, forgée par des millions d’années d’histoire.
David Guru McLean : réhabiliter l’histoire africaine dans les Caraïbes
David Guru McLean propose, quant à lui, une réflexion sur les premières relations entre l’Afrique et les Caraïbes, bien avant la traite négrière. L’un de ses tableaux illustre un navire de commerce africain, évoquant une époque où les échanges de connaissances et de biens prédominaient sur les souffrances de l’esclavage. « Son œuvre », explique Wells, « est une célébration d’une histoire souvent ignorée, celle d’une Afrique commerçante, digne et humaine, avant le traumatisme de la colonisation.
Photographe de renom, Rizée Chaderton-Charles explore la mémoire douloureuse de la traite des esclaves à travers des figures mythiques comme les sirènes noires, aussi appelées Mami Wata. Dans sa pièce Fresh, elle redonne vie aux âmes perdues lors du Middle Passage, rendant hommage aux enfants et adultes jetés dans les eaux de l’Atlantique. Chaderton-Charles transforme l’océan en un espace sacré et mythique, un retour aux sources où l’esprit de ses ancêtres continue de vivre et de défier l’histoire.
Un investissement stratégique pour la culture barbadienne
La participation de la Barbade à cette Biennale représente un investissement conséquent pour l’île, estimé à environ 200 000 dollars américains. Cette initiative a reçu le soutien de la Première Ministre Mia Amor Mottley, qui reconnaît l’importance de la culture dans les échanges internationaux. Andrea Wells considère cet investissement comme une porte ouverte vers de nouvelles opportunités pour les artistes barbadiens, avec l’espoir que cet événement suscitera des collaborations internationales et renforcera la place de la Barbade dans le monde de l’art. Pour Andrea Wells, cette participation marque ainsi une étape majeure pour l’art caribéen : « Nous avons réussi à inscrire la Barbade dans un réseau artistique international, célébrant nos racines africaines et forgeant des liens culturels nouveaux. » En alliant mythologie, histoire et modernité, la Barbade s’affirme aujourd’hui comme une force créative, prête à dialoguer avec le reste du monde. Lamine DIEDHIOU