SOCIETE / FAITS DIVERS

LES MÉNAGES, PRIS ENTRE MILLE FEUX !

La hausse des prix de l’électricité ne sera pas assurément pas sans conséquences sur l’économie nationale. Selon l’économiste Demba Moussa Dembélé, cette augmentation aura des répercussions sur toute l’économie du pays, notamment sur les conditions de vie des ménages, diminuant ainsi leur pouvoir d’achat. Aussi, indique-t-il, les Petites et moyennes entreprises (Pme) vont rencontrer des problèmes de survie et cela va peser sur les coûts de production. Et ce, sur toute la chaine. Pour le Dr Thierno Thioune de la Faculté des sciences de gestion (Faseg) de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, la disponibilité de l’électricité à des prix abordables conduit à la croissance économique et réduit la pauvreté. Par ailleurs, il a souligné que, conséquemment à la hausse de 10% du prix de l’électricité, les ménages diminueraient de plus de 7,03% leur consommation d’électricité à long terme. Selon lui, cette diminution de la consommation joue un effet pervers sur la consommation finale qui est un élément important de la composition de notre Produit intérieur brut (Pib).

DR THIERNO THIOUNE, ECONOMISTE A LA FASEG : «La disponibilité de l’électricité… conduit à la croissance et réduit la pauvreté»

«La disponibilité de l’électricité à des prix abordables est un facteur essentiel qui détermine toute une panoplie d’activités productives. Elle conduit à la croissance économique et réduit la pauvreté. Au Sénégal, cette disponibilité est administrée par la régulation des tarifs qui est basée sur la méthode des plafonds de prix («Price cap») c’est-àdire le montant maximum de revenu autorisé à la Senelec. A mon sens, la grande préoccupation des dirigeants devrait se situer sur la question suivante: Comment les clients de Senelec réagiraient-ils aux prix? Cette sensibilité des prix de l’électricité sur la demande des ménages mérite une attention particulière. Alors, Senelec étant un monopole avec une fonction de coût total sous-additive, a un avantage en ne se spécialisant pas dans un des segments à savoir la production, le transport ou la distribution de l’électricité. En effet, Senelec, en phase d’expansion, présente un Coût marginal (Cm) et un Coût moyen (CM) décroissants. Seulement, dans sa phase d’expansion, Senelec ne pouvait plus supporter la tarification au Coût marginal qui correspondait jusqu’ici aux objectifs de surplus collectif maximum. Cette situation entraîne, dans le court terme, une tarification à perte pour l’entreprise publique. Et c’est à l’État d’assurer la couverture de ce déficit, avec des politiques de subvention, notamment celle avec la deuxième LFR (Loi de finance rectificative) lui octroyant 125 milliards de F FCA.

En effet, une analyse rigoureuse permettrait de faire le point sur les évolutions de la demande d’électricité des acteurs économiques. Elle aurait permis au gouvernement d’estimer les conséquences sur les revenus des ménages, les conséquences selon la zone de résidence, les conséquences sur les modes d’équipements en électroménagers, compte tenu du basculement d’une classe moyenne. Et enfin, le point le plus important, c’est l’estimation des élasticités des prix, c’està-dire la sensibilité sur le niveau de vie des ménages suite à une hausse des prix de l’électricité. Premièrement, il faut retenir qu’à court terme, suites aux évolutions des prix, les ménages ont des possibilités limitées pour adapter leur dépense d’électricité. Donc, ils n’ont aucune réponse de substitution. Ils ne peuvent changer de type d’énergie moins coûteuse ou abandonner totalement l’électricité fournie par Senelec, au profit d’autres modes de fourniture à la moindre hausse des prix. Deuxièmement, ce ne sera qu’à long terme, que les ménages seront capables de réduire leur consommation d’électricité et ceci même s’ils font, a priori, partie de catégories pour lesquelles la consommation d’électricité semble peu compressible. Oui, c’est vrai que les ménages à faible revenu, qui constituent 54% de la clientèle, ne sont pas affectés par cette hausse des prix de l’électricité, comme la mentionné le directeur de la Senelec. Oui, est-il aussi vrai que le manque à gagner pour la Senelec se chiffrerait à 12,191 milliards si la hausse n’était pas répercutée ? Seulement, il est d’autant plus vrai que conséquemment à la hausse de 10% du prix de l’électricité, les ménages diminueraient de plus 7,03% leur consommation d’électricité à long terme.

Cette diminution de la consommation joue un effet pervers sur la Consommation Finale qui est un élément important de la composition de notre PIB (Produit intérieur brut). Ce qui n’est pas aussi surprenant, c’est que les ménages qui ont un niveau d’équipement élevé paient plus facilement des factures salées et sont plus aptes à développer des stratégies de fraude. En somme, à long terme, tous les ménages, même les plus modestes, adapteraient leurs consommations d’électricité aux prix. Ce qui est important à savoir, c’est qu’il faut, pour Senelec, trouver le modèle économique qui adopte la coïncidence des trois situations de maxima d’efficience (productive, allocutive, distributive) conduisant à un prix de vente de l’électricité permettant aux ménages de garder leur pouvoir d’achat, aux entreprises d’être compétitives et à l’économie nationale de gagner des points de croissance».

DEMBA MOUSSA DEMBELE, ECONOMISTE : «Cela va avoir un effet immédiat sur le pouvoir d’achat des populations»

«L’électricité est une source indispensable dans notre vie. Car, tout notre travail est basé sur l’électricité. Par conséquent, l’augmentation du prix de l’électricité va avoir des répercussions sur toute l’économie du pays, à savoir les conditions de vie des ménages, donc diminution du pouvoir d’achat. Payer cher l’électricité suppose que votre revenu soit élevé. Or, il n’en est pas ainsi. C’est à peine que les «Goorgolus» arrivent à joindre les deux bouts. Et, pour ce qui est de Senelec, il ne pardonne pas. Vous payez, vous avez la source. Vous ne payez pas, point d’électricité. Cette hausse va gémir sur l’achat de la population. La personne qui a l’habitude d’acheter trois baguettes de pain sera obligé d’acheter un et demi. Ne le perdons pas de vue, cela va avoir un effet immédiat dans l’achat des populations.

Prenons par exemple le menuisier métallique, tout comme le tailleur. Avec eux, vous ne pourrez plus avoir le même prix de service qu’avant. Parce que tout simplement, ils payent cher l’électricité. Personne ne s’aventurera à travailler à perte. Donc, il y aura des répercussions dans la vie quotidienne, parce qu’il faut que les gens se rattrapent quelque part. Les Petites et moyennes entreprises vont rencontrer des problèmes de survie et cela va peser sur les coûts de production. Et ce, sur toute la chaine. Des commerces, aux ménages, il y aura des répercussions négatives. Cela va jouer sur le pouvoir d’achat des ménages et sur la compétitivité même des entreprises. Cette situation était prévisible, parce que nous sommes gouvernés par un régime ruineux. Nous avons été tous témoins de ce qui s’est passé lors de la campagne présidentielle. L’on disait aux populations que le pays marche comme sur des roulettes. Il faut savoir que les dirigeants n’ont jamais tenu le vrai discours aux populations.

Le Directeur général de Senelec parle des grands consommateurs, mais qui est-ce qui est fou pour ne pas comprendre que cette hausse va toucher tout le monde et qu’il ne faut pas s’attendre à un miracle. De toute évidence, gros comme petit consommateurs, tous vont être touchés par cette hausse. Ils sont toujours dans la manipulation. Et j’en veux pour preuve, l’année sociale déclarée un an en arrière par le président de la République. Mais, concrètement, que peut-on dire ou retenir de cette déclaration ? Pendant la présidentielle, ils ont dépensé beaucoup d’argent pour la réélection de Macky Sall. Alors, pour faire du rééquilibrage, on cherche à nous appauvrir davantage, en nous taxant plus sur le prix de l’électricité. Des «Goorgorlus» que nous sommes vont payer toute cette hausse. Parce qu’eux-mêmes ne s’acquittent pas de leurs impôts. Certains même ne payent pas l’électricité depuis toujours».

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