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Sadio Mané « Onze d’or 2019 » : La grande interview !

Cette année, près de 200 000 personnes ont voté pour le « Onze d’Or 2019 ». En tête de bout en bout, Sadio Mané a terminé devant Lionel Messi et Kylian Mbappé. Auteur d’une saison exceptionnelle, l’international sénégalais a logiquement été récompensé par les lecteurs d’Onze Mondial.

Lorsqu’on annonce à son agent qu’il faut convenir d’un rendez-vous pour décerner notre mythique trophée à son poulain, l’euphorie est de mise. En quelques heures, une date est trouvée. Direction une somptueuse villa située sur les hauteurs de Majorque. Courtois et avenant, « SM10 » nous reçoit tout sourire. Au moment de recevoir le précieux sésame, ses yeux brillent. Avant un shooting photo tout en décontraction, l’ancien du FC Metz se pose pour un entretien XXL, malgré ses nombreuses sollicitations médiatiques. Des rues de son village au sommet de l’Europe, Sadio s’est lâché avec transparence et confiance. Rencontre avec le meilleur joueur du monde

Que ressens-tu au moment de recevoir ce Onze d’Or ?

To be honest… (il rigole puis reprend en français). Vraiment, je suis très, très heureux. Je suis content d’être élu meilleur joueur de la saison. C’est un énorme plaisir pour moi de remporter ce trophée. Surtout vu les autres joueurs nominés pour ce titre. Je tiens à remercier mes coéquipiers, mon coach, mon club et les supporters. Sans eux, je n’aurais jamais pu remporter ce Onze d’Or. C’est vraiment un travail d’équipe et de groupe. Je suis vraiment content.

Sais-tu que des dizaines de milliers de fans ont voté pour toi ?

C’est incroyable. Pour moi, c’est une énorme satisfaction. Ça fait plaisir que les gens reconnaissent mon travail durant toute la saison.

Tu termines juste devant un certain Lionel Messi…
(Sourire). Finir devant un joueur comme Lionel Messi, ce n’est vraiment pas évident. Je suis content. Je suis sur une bonne lancée. Maintenant, c’est à moi de continuer comme ça et de ne rien lâcher. Je vais continuer à donner le meilleur de moi-même tous les jours que ce soit à l’entraînement ou en match pour progresser encore. Et remporter encore de nombreux trophées (sourire).

Après George Weah et Didier Drogba, tu es le troisième joueur africain à remporter ce trophée. Est-ce une fierté supplémentaire ?

Samuel Eto’o n’a jamais remporté ce trophée ? Ouahouuh… C’est vraiment une grande fierté d’inscrire mon nom aux côtés de ceux de George Weah, Didier Drogba, Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, c’est incroyable. Surtout quand je vois qu’un joueur comme Eto’o ne l’a pas remporté. (Il coupe). Je ne sais même pas quoi dire. En réalité, je n’ai vraiment pas les mots… Je suis juste fier et heureux.

ENFANCE

Quand tu étais petit, tu imaginais réussir une telle carrière ?
Bonne question ! Ce n’était vraiment pas évident de se projeter. Surtout vu d’où je partais. Je viens de très, très loin. Je me rappelle, quand j’étais jeune, je disais à ma mère : « Je vais devenir footballeur ». Mais on vivait tellement loin de Dakar, elle me disait : « Comment tu vas faire ? Nous n’avons pas les moyens. Des joueurs meilleurs que toi n’ont pas réussi, arrête de penser à ça et va à l’école ! ». Je lui répondais : « Je veux vivre mon rêve ». Il est vrai que dans notre village, quasiment tous les jeunes voulaient devenir footballeurs et aucun n’y est parvenu. Il n’y avait donc pas de référence. Mais tout ça, c’était dans la tête ! Je savais que j’allais réussir. Juste, je ne savais pas comment parce que je me trouvais très loin de la capitale. Aucun recruteur ne venait jusqu’à mon village. Du coup, c’était dur de se faire voir. Ce qui m’est arrivé ensuite, c’est juste énorme. J’ai parcouru un très long chemin. Aujourd’hui, je veux juste remercier le Bon Dieu.

Quand et comment as-tu compris que tu avais un don pour le football ?

Depuis que je suis né, je ne connais que le foot ! Pour moi, c’était le seul travail que je pouvais faire. C’était le seul moyen qui pouvait me permettre d’aider mes parents. Quand j’étais petit, je ne me posais qu’une question : « Comment ? ». Je n’ai jamais baissé les bras, j’ai travaillé dur et j’ai persévéré. Mes parents m’ont finalement soutenu et je suis arrivé à devenir footballeur.

À quoi ressemblaient les exploits de Sadio Mané dans les rues de son village ?

(Sourire). Je me rappelle, quand je jouais au village, les gens disaient : « Sadio est le meilleur ». Mais moi, j’étais assez modeste pour ne pas dire ça. Mais beaucoup de gens me disaient quand même : « Sadio, tu es le meilleur du village, il faut que tu quittes et tentes ta chance en ville pour exprimer ton talent ». Je n’avais pas les moyens, je ne savais pas comment faire en plus, je ne connaissais personne à Dakar. Je prenais énormément de plaisir à jouer avec les amis au village. Bon, ce n’est pas la peine que je te décrive le terrain du village… Je pense que tu dois savoir comment c’est (sourire).

Et tu n’avais pas la nouvelle paire de crampons aux pieds…

(Rires). Non, non, je jouais avec des « tic-tic », c’était des chaussures en plastique. Parfois, je jouais même pieds nus. Pour nous, c’était normal. Il n’y avait pas assez de crampons. Du coup, quand tu portais des crampons, tu faisais mal aux autres, tu pouvais blesser les gens avec les dents des crampons. Et puis nous, on ne connaissait pas. Il y avait deux options : les « tic-tic » ou pieds nus (sourire). Et l’école dans tout ça, tu y faisais quoi ? Au début, j’allais à l’école. Mais je n’aimais pas. Et puis, je n’étais pas bon à l’école (sourire). Bon, je n’étais pas le dernier non plus, hein. J’étais au milieu. Et au bout d’un moment, je suis devenu très fort à l’école même si je détestais ça. En classe de troisième, j’étais premier de la classe. En seconde aussi. En première, j’ai arrêté d’être bon à l’école pour me concentrer sur le foot. Si j’avais continué à être bon en cours, mes parents m’auraient demandé de tout donner à l’école. Ma mère voulait que je devienne professeur (sourire). Mais moi, ce n’était pas mon objectif. Je ne voulais pas être un étudiant. J’ai tout arrêté.

FORMATION

Tu as fugué pour tenter ta chance à Dakar. Imagine si tu n’avais pas fugué…

Je serais peut-être devenu professeur ou je ne sais pas trop quoi (rires). Je me souviens, j’avais dit à une seule personne que j’allais fuir, c’était mon ami. Je lui avais dit : « Je pars tenter ma chance à Dakar ». Un gars du village m’avait dit : « J’ai un ami à Dakar, il a une équipe de foot, tu pourras jouer avec lui là-bas ». J’ai fui sans que mes parents soient au courant. Mes parents ont ensuite fait des problèmes à mon pote avec ses parents. Il a finalement dit où je me trouvais (sourire). Ils m’ont attrapé puis fait revenir au village. Je me suis ensuite bien préparé pour l’année d’après. Et ils m’ont accompagné dans ce que je voulais faire. Cette fugue a changé toute ma vie. C’était vraiment une bonne chose de faire ça. J’encourage mes jeunes frères à faire pareil (il éclate de rires). Ça pourrait marcher…

Tous les Sénégalais vont le faire si tu dis ça…

Qu’ils tentent leur chance. Bon, uniquement ceux qui savent jouer au ballon, hein (rires).

Tu es formé à Génération Foot. Comment as-tu été préparé là-bas ?

C’est une très bonne académie. Quand tu vois tous les joueurs passés là-bas qui ont réussi, tu comprends tout de suite. Cette académie a un partenariat avec le FC Metz. Quand je suis arrivé là-bas, je suis tombé sur un coach qui s’appelait Gilles. On était en troisième division. On est montés en deuxième division puis je suis parti avec d’autres joueurs. Je tiens à saluer tous les gens qui travaillent là-bas, ils font de belles choses pour la jeunesse sénégalaise. C’est important d’avoir des personnes comme ça.

Comment se déroulent les entraînements ?

C’est très professionnel, comme à Metz. Ils essaient de copier ce qui est fait à Metz. Olivier Perrin, ancien coach des U19 de Metz, est aujourd’hui manager général de cette académie. C’est lui qui met tout en place. C’est bien d’avoir une telle formation à disposition.

Quand tu étais là-bas, tu ne pensais qu’à rejoindre l’Europe ?

Mon seul souhait était de rejoindre le FC Metz. J’ai fait de nombreux sacrifices pour avoir la chance de rallier la France. Je me souviens, quand Olivier m’a dit que j’allais signer un contrat stagiaire à Metz, je n’en revenais pas, je n’y croyais pas. C’était le début du rêve pour moi. C’est un jour inoubliable. Je ne peux que le remercier…

METZ

Le FC Metz, ce n’est pas forcement un club qui fait rêver…

Oui, mais pour nous, aller à Metz, c’était déjà quelque chose de grand. C’était comme une porte. Quitter Dakar pour venir en Europe, c’était déjà très, très bien. Et derrière, on savait que Metz allait nous servir de vitrine. On souhaitait tous signer à Metz. Cette opportunité était extraordinaire pour nous. Je peux prendre pour exemple Ismaïla Sarr qui a signé à Metz très jeune. Un an et demi plus tard, il a rejoint Rennes. Diafra Sakho et Papiss Cissé aussi. Donc venir à Metz, c’est déjà beau pour nous.

L’adaptation a été difficile. Tu as songé au demi-tour ?

Au début, c’est toujours compliqué. Tu arrives et tu découvres une culture différente, un climat différent. Ce n’est pas simple. Je me souviens de mon premier jour. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu du soleil. Pour moi, c’était synonyme de bonne température comme au Sénégal. Je suis donc arrivé sur le terrain en manche courte. Et là, le coach m’a dit : « Tu es sûr que tout va bien ? Parce que là, il fait extrêmement froid ! ». J’ai répondu : « Non, tout va bien ». Dix minutes plus tard, je suis retourné aux vestiaires tellement il faisait froid (sourire). Ce n’était pas facile. Surtout que je me suis rapidement blessé pour une longue durée. Et puis, ma famille me manquait. Ce n’était pas évident.

Tu as pensé à rentrer au Sénégal ?

Non, pas forcément rentrer. Mais j’ai eu des coups de moins bien. Il y a beaucoup de facteurs qui font que parfois, tu as envie d’abandonner. Après, quand tu penses à tous les sacrifices effectués, tu reviens à la raison et te dis : « Sadio, il faut foncer, tu n’as pas le droit de lâcher ».
Il paraît que lorsque les autres dormaient, tu allais courir seul. C’est vrai ?

(Sourire). Oui, c’est vrai. Je me réveillais à 6h du matin pour courir. Les autres dormaient. Au centre, il y avait Madame Brech, c’était un peu comme une maman pour nous. Elle était dure avec nous. Quand on foutait un peu le bordel, elle se fâchait car elle n’aimait pas ça (rires). Quand je me réveillais tôt pour courir, je me cachais pour sortir discrètement. Je savais que si elle me voyait, elle allait me dire : « Retourne au lit ». Moi, je ne voulais pas dormir, je voulais bosser encore plus. J’allais courir pendant une heure, je revenais, je prenais mon petit déjeuner puis j’allais m’entraîner.

Pourquoi tu faisais ça ?

Parce que je voulais absolument réussir ! Je sentais que j’avais besoin de travailler physiquement. Et à Metz, on ne courrait pas beaucoup contrairement à l’académie. Finalement, mon travail a payé.

En général, les jeunes préfèrent dormir…

Oui. Et ça, je pense que c’est vraiment une erreur. Justement, quand tu es jeune, c’est là que tu dois en profiter pour bosser encore plus, pour progresser et atteindre un certain niveau. Personnellement, j’ai compris très tôt qu’il fallait s’arracher pour réussir. Tout ce qui m’arrive, c’est le fruit du travail. J’essaie de dire aux jeunes de travailler plus. Sinon, ce sera compliqué pour eux.

Il paraît que tu répondais aux professionnels plus âgés à l’entraînement. C’est vrai ?

Oui, j’ai rapidement montré du caractère. Je ne dirais pas que c’était un défaut… mais je voulais tellement bien faire les choses, tellement m’imposer que je me suis fait quelques ennemis dans l’effectif. Comme j’étais jeune, ils pensaient que je devais rester en retrait. Moi non, quand je suis sur le terrain, je ne pense pas à tout ça. Je voulais me donner à fond (il tape dans ses mains), j’avais faim ! Et certains n’ont pas compris ça. Je me suis mis à dos des gars de l’équipe. Pas parce que je ne travaillais pas assez, c’était parce que je mettais beaucoup d’impact dans ce que je faisais. C’était ça le problème. Attention, ce n’était pas un manque de respect. Mon rêve était de réussir et de m’imposer dans cette équipe. Du coup, je donnais tout.

Comment as-tu réagi quand tu as vu que tu intégrais définitivement le groupe pro ?

J’étais content. Mais au début, ça n’a pas été facile parce que j’ai connu plusieurs altercations avec les anciens (il réfléchit). Comment dire ? L’entraînement, ce n’est pas comme un match. En match, tu peux tacler ou donner des coups à ton adversaire de manière volontaire ou involontaire. C’est compréhensible. Mais à l’entraînement, les gars pensaient qu’on devait jouer sans mettre d’impact. Et moi, je mettais quand même de l’impact. Ils n’ont pas apprécié ça. Mais tout ça, je le faisais pour aider mon équipe, pour gagner ma place et pour m’en sortir. Et une fois que j’ai gagné ma place, j’ai donné encore plus ! Je n’ai jamais baissé les bras. Je suis devenu encore plus professionnel (il tape encore dans ses mains).

SALZBOURG

Avant de signer à Salzbourg, tu connaissais ce club ?

Honnêtement, je ne connaissais pas Salzbourg, je ne savais même pas où c’était. Quand mon agent m’a parlé de Salzbourg, j’ai fait des recherches. J’en ai parlé avec mes parents. Ils m’ont dit : « Nous aussi, on ne connaît pas ce club » (rires). Après, on s’est bien renseignés. Moi, je ne voulais pas partir. Les dirigeants de Salzbourg me disaient que c’était nécessaire pour un jeune joueur comme moi de continuer ma progression chez eux. Je voulais rester à Metz surtout qu’on venait de descendre en National et que je venais de signer un contrat de cinq ans. Mon rêve était d’écrire l’histoire dans mon club formateur, Metz, avant de partir. Ça n’a malheureusement pas été le cas. Le club avait besoin d’argent à ce moment-là. Ils m’ont dit : « Sadio, faut que tu partes » (sourire). Attention, au début, Metz ne voulait pas me laisser partir. Du coup, le club avait fixé mon prix à 2,5 millions d’euros. À ce tarif, plusieurs clubs étaient prêts à mettre le prix. Après ça, ils ont dit : « Finalement, c’est 4 millions d’euros ou rien ». Pour eux, c’était impossible qu’un club s’aligne sur ce tarif pour un jeune joueur qui vient de descendre en National. Et contre toute attente, Salzbourg a mis cette somme. Après ça, ils m’ont demandé de partir (rires). Moi, je ne voulais pas. Metz était comme ma deuxième famille, j’étais bien là-bas. Ça m’embêtait de changer de club. J’ai ensuite compris que mon départ était nécessaire…

Elles ont donné quoi tes recherches sur Salzbourg ?

Je suis allé sur Youtube, j’ai regardé des résumés de matchs. La première chose que j’ai retenue, c’était que le buteur du club s’appelait Soriano (sourire). Après, j’ai fait des recherches sur le club et le pays sur Google. C’était vraiment important pour moi d’aller là-bas. C’est à Salzbourg que j’ai appris le vrai football. Je n’ai jamais regretté mon choix. Tant mieux pour moi.

On aurait pu croire que tu allais t’enterrer en Autriche…

Oui, beaucoup de gens me disaient ça. Même au Sénégal, ils ne comprenaient pas mon choix. Tout le monde avait un avis négatif sur mon transfert. Ils voulaient que je reste en France. Ils préféraient que je signe dans un club de bas de tableau de Ligue 1. Quand j’entendais les commentaires sur mon transfert, ça me faisait tellement mal. En plus, je n’avais pas d’expérience, j’étais jeune, je ne savais même pas quoi faire. Finalement, j’y suis quand même allé.

Tu as découvert la Coupe d’Europe à Salzbourg. Ton rêve prenait forme…

J’ai appris le vrai football à Salzbourg. Je suis tombé sur des gens vraiment sympas. Je me suis senti à l’aise. J’ai connu un très bon coach Roger Schmidt et le directeur sportif Ralf Rangnick. C’est lui qui m’a recruté. Je me suis pas mal embrouillé avec Ralf (rires). C’était vraiment chaud. La barrière de la langue était un problème, car je ne parlais même pas anglais. C’était dur. Là-bas, j’ai trouvé une autre famille. Je suis tombé sur un gars qui s’appelait Mustapha Mesloub. C’était un Algérien, il vivait à Salzbourg avec sa femme. J’étais devenu leur fils. Ils m’ont facilité la vie. Mustapha venait tous les jours avec moi à l’entraînement, c’était mon traducteur. Je mangeais tous les jours chez lui. Sa femme s’occupait de moi, elle lavait mes affaires. C’était comme ma vraie famille. Je n’oublierai jamais ce passage de ma vie.

C’était vraiment chaud avec Ralf Rangnick ?

Oui, on s’est déjà insultés même (rires) ! Je me souviens, je voulais quitter Salzbourg pour aller à Dortmund. Et il ne voulait pas me laisser partir. Alors qu’avant ma signature, il m’avait dit : « Tu rejoins une jeune équipe, on va te former pendant deux ou trois ans, puis tu vas signer dans un meilleur club ». Le moment venu, il a refusé de me vendre, car le club avait pour ambition de bien figurer en Ligue des Champions. Moi, ce n’était pas mon objectif. Je voulais évoluer dans un grand championnat. C’est ce qui a fait qu’on s’est mal compris.

Tu étais quand même heureux de découvrir l’Europe avec Salzbourg ?

Bien sûr ! Là-bas, j’ai appris et découvert plein de choses. J’ai fait deux saisons complètes en tant que titulaire. Même en dehors du terrain, j’ai évolué. Je me souviendrai toujours de mon premier match d’Europa League aussi. J’ai pris de l’expérience là-bas.

SOUTHAMPTON

Tu signes ensuite à Southampton. Ce choix a été fait dans le but de s’ouvrir les portes des gros clubs anglais ?

Ce transfert aussi a été chaud et compliqué (sourire). Bon, je vais te dire la vérité. Southampton est un très bon club, mais je ne voulais pas aller là-bas (rires). C’était vraiment compliqué. C’est là-bas que j’ai changé d’agent. J’ai connu mon agent actuel, Björn Bezemer. À l’époque, il était jeune, il avait 29 ou 30 ans (rires). Björn est une personne qui a beaucoup fait pour moi. Il a énormément compté. On passe beaucoup de temps ensemble (il regarde son agent). Bon, avant de me connaître, il habitait dans un petit appartement, aujourd’hui, il vit dans une villa (rires). Plus sérieusement, il s’est battu pour me sortir de Salzbourg car le club refusait de me céder. Mon objectif était de signer à Dortmund surtout que Jürgen Klopp me voulait. Sauf que Salzbourg était déjà d’accord avec le Spartak Moscou. Le club voulait me vendre en Russie pour empocher un maximum d’argent. Dortmund était prêt à payer 12 millions d’euros de transfert. Salzbourg voulait plus. Il voulait faire comme Metz, en fait. Et moi, j’ai dit « non ». Mon rêve était de jouer dans les meilleurs championnats. Cette histoire a créé des problèmes entre le club et moi. Finalement, j’ai raté un match. Et ils se sont fait sortir de la Ligue des Champions. Là, ils ont commencé à dire que c’était de ma faute. Salzbourg campait sur ses positions en disant « Pas Dortmund » et moi, je disais « Pas Moscou ». Et là, Southampton s’est présenté ! Je n’avais pas le choix, du coup, je suis allé à Southampton (rires). Je ne pouvais plus rester à Salzbourg et je ne pouvais aller ni à Dortmund, ni à Moscou. Du coup, j’ai signé à Southampton.

Comment as-tu fait pour t’adapter à la Premier League ?

La Premier League est l’un des meilleurs championnats au monde, les meilleurs joueurs y évoluent. Ça n’a pas été évident. J’ai mis du temps à m’adapter. Les supporters m’attendaient de pied ferme parce que le club m’avait payé cher et parce que j’avais pris le numéro 10. Ils pensaient que j’allais arriver et tout casser d’entrée. Ça a mis plus de temps que prévu. J’ai bossé comme il fallait et j’ai réussi à changer les choses.

Qu’est-ce que ce passage t’a apporté dans ta carrière ?

C’était vraiment important pour moi de passer par Southampton. C’était mieux de faire Salzbourg – Southampton – Liverpool plutôt que de faire Salzbourg – Liverpool. J’avais besoin d’une étape intermédiaire, d’un tremplin comme Southampton. Là-bas, je me suis bien développé. Je n’ai pas brûlé les étapes. À Salzbourg, j’ai découvert le vrai football. À Southampton, j’ai mis les choses en place. Après ça, j’étais prêt pour signer chez un grand d’Europe.

LIVERPOOL

Quand tu signes à Liverpool, le club ne joue pas le titre. Ton arrivée a changé les choses…

Tant mieux pour moi alors (rires). Non, tant mieux pour Liverpool. Bon, tant mieux pour Liverpool et pour moi alors (rires).

Depuis ta signature, le club a bien évolué…

Oui, au début, c’était compliqué. Mais c’est normal. Regarde, le Real Madrid vient de vivre une saison difficile alors que c’était la meilleure équipe du monde pendant plusieurs années. Connaître des saisons difficiles, ça arrive à tous les grands clubs. C’est le football qui veut ça. Ça marche par cycles. Quand je suis arrivé, Liverpool démarrait un nouveau cycle. Et avec le temps, ça a pris. Aujourd’hui, ce n’est pas la même équipe qu’il y a trois-quatre ans.

Tu as bien fait de refuser Manchester United…

(Rires). Il ne faut pas me mettre mal avec leurs supporters, hein. Sinon, ils vont encore m’insulter. Eux pensent que je suis contre eux alors que pas du tout. Oui, on a failli aller à United. On a finalement opté pour Liverpool. Je pense qu’on a fait un bon choix. C’était le moment pour aller à Liverpool, surtout qu’il y avait LE coach qu’il fallait. Jürgen Klopp te voulait à Dortmund, tu l’as finalement trouvé à Liverpool.

Qu’a-t-il de si particulier ?

À la fin de la saison 2015-2016, on était sur le point d’aller à United, mais on hésitait un peu. Du coup, on a attendu parce que mon agent et moi pensions que Liverpool était le club idéal. Et là, Jürgen Klopp nous a appelés. Là, on n’a pas hésité une seule seconde, on a juste dit « oui ». Et les choses se sont passées.

Comment est-il dans son management ?

C’est un manager très spécial. Il a beaucoup de qualités et de particularités. Mais ce qui m’a le plus frappé chez lui, c’est que c’est une personne très, très sympa en dehors du foot. Son côté humain m’a touché. Il est très humain. Et de nos jours, c’est très rare de tomber sur des personnes humaines. Surtout dans le football. C’est un coach qui aime ses joueurs, il est là pour ses joueurs. En même temps, il responsabilise ses joueurs. Nous, les joueurs, sommes prêts à tout pour lui ! On se défonce sur le terrain pour lui. Que ce soit à l’entraînement ou en match, on s’arrache pour lui. C’est un coach qui te donne envie d’aller à la guerre.

Quel bilan dresses-tu de tes trois saisons à Liverpool ?

C’est plutôt positif. Ma première saison était pas mal. Même si j’ai connu des difficultés à cause des blessures. Comme j’étais à la CAN, j’ai loupé aussi de nombreux matchs. C’était bien même si on n’a pas gagné de trophée. On a quand même été proche de le faire. La suite, on la connaît. Et puis, on a un groupe jeune, qui apprend, avec une marge de progression importante.

Quand on joue à Anfield, on se sent vraiment pousser des ailes ? Comment faire pour retourner le Barça de cette manière ?

As-tu déjà été à Anfield ?

Non…

Ça va être compliqué pour moi de te décrire Anfield. Il faut aller sur place pour comprendre. Il faut le vivre pour le croire. Là-bas, tu vis vraiment des moments incroyables. Le match aller à Barcelone n’a pas été facile. On a perdu 3-0 même si on aurait mérité de mettre au moins un but. Le football est comme ça, il n’est pas logique. En face, on avait une équipe du Barça bien en place qui nous a posé pas mal de problèmes. On avait aussi ce génie de Messi qui a planté deux buts (sourire). Après ça, le monde entier nous voyait éliminés. Mais la magie d’Anfield a dit que ça ne pouvait pas se passer comme ça (sourire). Anfield, c’est juste unique ! Il faut vivre ces soirées-là pour comprendre. C’est vraiment impressionnant. C’est trop difficile à expliquer, je n’ai pas les mots. Honnêtement, je n’ai jamais vu ça de ma vie. J’ai vu plein de matchs, que ce soit à la télé ou en live. Et je peux te dire qu’Anfield, c’est au-dessus. On jouait à 12 contre 11. Voilà ce qui a fait la différence.

STYLE DE JEU

Comment faire pour stopper Sadio Mané ? Balle au pied, on dirait que tu es inarrêtable…
Je ne vais pas te donner le secret sinon les Algériens vont m’attraper à la CAN (il éclate de rires). J’essaie d’être le plus physique possible. Et le plus imprévisible possible aussi. Voilà mes forces. Je travaille toujours plus pour être au-dessus de mon adversaire.

Tu aimes écœurer ton défenseur ?
Parfois, je tombe sur des défenseurs qui sont de vraies bêtes. C’est pour ça que je fais tout pour être prêt physiquement et mentalement à chaque match. Le reste, ça va tout seul. Et oui, j’aime voir souffrir mon défenseur. Je prends du plaisir à lui faire mal. Mon but, c’est de me rendre le match facile. Donc si je le vois souffrir, c’est déjà une grande chose. À tous les matchs, je veux que mes adversaires vivent un cauchemar.

Tu vas être de plus en plus surveillé. Tu vas changer des choses dans ton jeu ?

Non, je ne pense pas. Je vais juste essayer de m’améliorer, c’est tout.

Tu te lèves toujours à six heures du matin pour courir ?

(Sourire). Le travail ne suffit jamais. Surtout à ce niveau-là. Mais je travaille différemment. Il faut être intelligent et essayer de bien faire les choses. Ce n’est plus comme avant, je bosse quand il le faut. Avant, j’avais tout le temps. Plus maintenant. À l’époque, je jouais toutes les deux semaines. Là, je joue tous les trois jours. Je me suis bien structuré et je me suis encore plus professionnalisé. Le matin, je dors (sourire). La récup, c’est très important.

PERSONNALITÉ

Tu fais beaucoup de choses pour ton pays. Tu te sens obligé de donner ?

Pas du tout. Tout ce que je fais, je le fais naturellement. Pour moi, c’est très important d’être humain et de penser à l’humanité justement. Si aujourd’hui, toutes les personnes riches du monde essaient de faire une petite chose pour les autres, je pense qu’il n’y aura plus de nécessiteux. Je ne suis pas là pour donner des leçons ou pour dire : « Il faut aider les nécessiteux ». Mais je pense que c’est important d’aider son prochain. Regarde, aujourd’hui, nous sommes quatre dans cette pièce. Je pense que grâce à Dieu, nous vivons bien. Si on donne chacun 10 ou 20 euros, on peut permettre à plein de gens d’être bien. Pourquoi se priver de ce petit geste ?
Un geste minime peut faire un énorme bien… voilà ce que j’essaie de faire. Tant que je serai en vie, je ferai tout mon possible pour aider les nécessiteux.

Quand on devient une super star comme toi, on oublie un peu d’où l’on vient…

Voilà, beaucoup de personnes se trompent à la fin. On peut dire : « Je ne sais pas où je vais ». Mais on ne peut pas dire : « Je ne sais pas d’où je viens ». C’est une erreur d’oublier d’où l’on vient. C’est là que les gens se trompent. Ce n’est pas bien d’oublier d’où l’on vient. Il faut toujours penser aux gens qui t’ont élevé et qui t’ont aidé. Il ne faut jamais oublier de regarder derrière soi.

Dans la vie, tu es souriant. Mais sur le terrain, ton visage est souvent fermé. Pourquoi ?
Beaucoup de gens m’ont déjà fait cette remarque. Ils m’ont dit : « Quand on te voit sur le terrain, on a l’impression que tu es arrogant ». Ça fait un peu mal d’entendre ça, car ce n’est pas du tout le cas (rires). En plus, en dehors du terrain, je suis quelqu’un de timide. Quand je travaille, je suis très sérieux. Et naturellement, mon visage se ferme peut-être. Je ne suis pas quelqu’un qui triche, je donne tout à chaque fois. Tout ça fait que je deviens agressif peut-être. Mais en dehors du terrain, je ne suis pas comme ça. J’aimerais bien être souriant sur le terrain comme dans la vie tous les jours. Mais je n’y arrive pas…

C’est la pression qui fait ça…

Non, ce n’est pas la pression. Je suis quelqu’un de très positif. Je n’ai jamais la pression sur le terrain. Par exemple, avant la finale de la Ligue des Champions, je n’étais pas sous pression. Je disais : « Si on gagne, tant mieux. Si on ne gagne pas, la vie continue… ». Après une défaite, je passe à autre chose et j’essaie d’oublier. La pression ne joue pas sur moi.

Quelle est l’importance de la famille pour toi ?

Tout le monde est fier de moi. Je suis content de ça. Ils font attention à moi. Et ils n’aiment pas qu’on dise du mal de moi (sourire). Ma famille, c’est ma force aujourd’hui.

SÉNÉGAL

La CAN approche. Tout le pays attend beaucoup de toi. Tu n’as pas la pression ? Non, c’est quelque chose de positif. J’essaie d’accueillir ça de manière positive. Ce n’est pas évident mais bon, il faut assumer et prendre ses responsabilités. C’est ce que j’essaie de faire tous les jours. Avec mes coéquipiers, on va tout faire pour gagner cette CAN et rendre fier notre peuple.

C’est quoi la définition d’un bon Lion de la Teranga ?

Je n’aime pas dire ça ! Tu sais pourquoi ? Parce que le « Lion de la Teranga », ça veut dire un gentil lion, tout mignon. Alors qu’au contraire, un lion ne doit pas être gentil, il doit s’imposer comme un patron ! Je veux bien être un Lion de la Teranga dans la vie de tous les jours, pas sur le terrain. La définition du mot « Teranga » ne me plaît pas vraiment. Beaucoup de gens ignorent la définition de ce mot. Pour moi, on doit juste être des Lions sur le terrain.

Tu sais que tu es déjà considéré comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire du Sénégal ?

Non, pas encore. Mais je vais travailler encore plus pour atteindre ce stade.

CONCLUSION

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?

J’aurais pu devenir médecin (sourire).

Si tu devais terminer l’interview par une phrase qui te représente ?

(Rires). Elle est bonne ta question. J’aurais dit : « Pourquoi tu ne souris pas sur le terrain ? ». (son agent intervient et demande à Sadio Mané : « Comment peux-tu travailler autant ? »). C’est mon travail ! C’est normal que je me sacrifie pour atteindre mes objectifs. Depuis tout petit, je fais ça. Pourquoi m’arrêter en si bon chemin ? Je travaille autant car je sais d’où je viens et j’ai trop envie de faire de grandes choses.

Si tu devais terminer l’interview par une phrase qui te représente, ce serait quoi ?

« Toujours croire en ses rêves ». Il ne faut jamais baisser les bras et travailler dur pour réussir.

Tu te mettrais quelle note pour cet entretien ?

Je dirais 7 sur 10.

Onze Mondial

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