« Savoir apprendre de nos erreurs », Par Souleymane DIOUF, Expert Diplômé en Management et gestion du risque Incendie – Sud Quotidien
Nous ne le dirons jamais assez, l’incendie à l’hôpital Mame Abdoul Aziz SY de Tivaouane est inacceptable.
Et pourtant nous avions alerté l’opinion dans un article intitulé « Quels enseignements tirer de l’incendie de l’hôpital Maguette LO ? », datant du 10 mai 2021, afin d’éviter de pareilles situations. Malheureusement, notre cri du cœur n’a jamais été entendu.
Dans notre métier (Risk Management) lorsque nous faisons les analyses de risques, nous nous basons fréquemment sur les retours d’expérience (RETEX).
Un évènement tragique a de forte chance de se reproduire si aucune action corrective n’est mise en œuvre.
Il faut savoir apprendre de ses erreurs
Un risque ça se maitrise, sinon les compagnies d’assurances disparaitraient du marché, d’autant qu’elles n’acceptent d’assurer que le risque « acceptable ou résiduel » ne pouvant occasionner qu’un sinistre raisonnablement escompté.
C’est quoi le risque ?
Le risque est le croisement d’une probabilité d’occurrence d’un aléa et d’un enjeu vulnérable.
Effectivement un risque ça se maitrise. Pour ce faire, il faut savoir l’évaluer afin de mettre en place des moyens de prévention et de protection.
Pour évaluer un risque, il faut commencer par en prendre conscience (car comment lutter contre un risque si on ne le connait pas ?)
Les neuf (9) principes de prévention exigent d’éviter les risques, de les évaluer, de les combattre à la source etc., est ce que nous fonctionnons suivant cette logique ?
Nous sommes attristés par ce qui s’est passé à TIVAOUANE, onze (11) nouveaux nés arrachés à l’affection de leurs parents. Nous présentons nos sincères condoléances aux familles éplorées, avec une pensée particulière aux mamans.
Si nous n’agissons pas, cela se reproduira comme c’est souvent le cas, car l’expérience nous a montré que c’est possible.
La sécurité doit être revue dans sa globalité. Les vendeurs de bois dans les quartiers qui stockent énormément de combustibles, les vendeurs de pneus, qui en fonction de la quantité de combustibles stockés constituent des installations classées pour la Protection de l’Environnement, les blanchisseries qui utilisent des chaudières, les boutiquiers qui stockent énormément de gaz sans les normes édictées, etc.
Toutes ces activités sont autant de dangers potentiels et permanents pour les populations et n’ont pas leur place dans les zones de résidence. En cas d’incendie et plus particulièrement durant la nuit, cela pourrait avoir de graves conséquences. Nous ne sommes pas alarmistes, nous alertons.
Il faut rappeler que dans un incendie le facteur aggravant est la quantité de combustible stocké.
Suite à ces incendies dans les hôpitaux, les pouvoirs publics devraient procéder à un audit holistique de nos établissements de santé publics comme privés.
Un hôpital est un lieu unique où l’on trouve des personnes à mobilité réduite, avec énormément d’activités (cuisine, pharmacie, entrepôts, service imagerie médicale, laboratoire, service de néonatalogie, service pédiatrique, urgences, bloc opératoire, salle de réveil, services de réanimation, blanchisserie, maternité, services administratifs, etc.). Un incendie peut se déclarer dans ces locaux.
La sécurité incendie est régie par des textes réglementaires qui sont non négociables et des référentiels qui nous aident à maitriser les risques.
En dehors des moyens de maitrise des risques, la mise en place d’une organisation humaine et des procédures devraient permettre d’obtenir des performances garanties.
Mais cette performance organisationnelle doit être le résultat d’une relation systémique entre les différentes fonctions qui constituent l’établissement (Direction Générale, Financière, Juridique, Achat, Maintenance, Service hygiène et sécurité, Service Ressources Humaines, etc.).
Il nous faut revoir le modèle organisationnel de nos établissements de santé, qui doit s’inspirer des organisations à haute fiabilité qui ont quatre grandes caractéristiques :
- Priorité à la sécurité et aux performances organisationnelles
- Culture de la fiabilité
- Apprentissage organisationnel
- Redondance afin d’assurer la continuité du service
Il ne jamais oublier que l’Humain est toujours au cœur de la dynamique organisationnelle.
Les causes des incendies peuvent être multiples :
- Malveillance
- Utilisation d’une source de chaleur
- Équipement défectueux, court-circuit, etc.
En moyenne, un incendie a plus de deux causes. Sur les incendies ou explosions en entreprises recensés, 21% ont vu leurs causes précises identifiées. Pour les 79% restants, soit la cause n’a pas été recherchée soit, du fait de la violence de l’incendie ou des dégâts occasionnés par la phase d’extinction, l’analyse des causes du sinistre est impossible. Dans 10,5% des cas, l’électricité statique est évoquée, sans qu’on puisse prouver son lien direct avec l’incendie. Elle n’apparait donc pas dans les principales causes de l’incendie, mais peut néanmoins être considérée comme une des causes possibles.
Nous disons souvent que l’électricité a bon dos.
Dans un ERP type U (établissement de soins avec ou sans hébergement) les installations électriques doivent être réalisées et installées de façon à prévenir les risques d’incendie ou d’explosion d’origine électrique. Les installations électriques réalisées selon la norme NF C 15-100 sont présumées satisfaire à ces exigences.
La gestion des risques est une obligation et une nécessité, il est donc impératif de faire l’analyse de vulnérabilité de nos établissements de santé.
Souleymane DIOUF
Directeur Général de SECURISK
- Ingénieur & Expert Diplômé en Management et gestion du risque Incendie
- Personne Compétente en Radioprotection
- Membre de l’AGRPI (Association des Ingénieurs en Maitrise de Risque de France)
- Agrée CNPP
- Agrée CFPA (Confédération Fire Protection Association EUROPE)
Email : sdiouf@securisk.sn