SOCIETE / FAITS DIVERS

Divorce: TENDANCE OU PERTE DES VALEURS ?

Le divorce est la rupture officielle du mariage qui avait uni deux personnes. C’est la définition la plus simple que l’on puissedonner.il est devenu un phénomène très courant au Sénégal et les causes sont diverses et variées. Des études ont montré que de nombreux cas de divorces sont liés à plusieurs facteurs : incompatibilité d’humeur, manque de confiance, absence de projet clair, le pouvoir de l’argent, inadaptation de nos valeurs à celles occidentales etc. Autant de causes qui font que les unions ne durent que le temps d’une rose. Les belles-familles, au-delà des conjoints, sont aussi indexées comme cause de l’instabilité des ménages. Afin d’apporter quelques éléments de réponse à ce phénomène, l’Asnews a posé le débat.

Mieux vaut un bon divorce qu’un mauvais mariage ! Depuis quelques années déjà, les cas de divorce au Sénégal ont pris une proportion inquiétante. Qu’est-ce qui explique l’ampleur de ce phénomène de société ? Le mariage est encadré par des textes religieux. L’Islam a une conception du mariage, tout comme le christianisme aussi (voir ailleurs). Et pour qu’un mariage fonctionne, les deux époux doivent participer. Cela demande de l’attention, des efforts, de la volonté et une bonne communication. Beaucoup de femmes font le bilan de tout ce qu’elles font pour leur famille et se demandent où est passé leur époux et vice-versa. Parfois, malgré leur amour, leur engagement et les efforts, les gens atteignent parfois un point de non-retour. Et c’est la séparation. « Il faut faire de telle sorte que la personne concernée et son / sa compagnon (gne) voient le mariage de la même façon », c’est l’avis de cette jeune entrepreneuse, divorcée. « Quand vous sortez ensemble, c’est une chose vraiment officieuse qui pourrait continuer des années. Alors que quand vous décidez de vous marier, cela signifie une sacralité, une valeur religieuse divine car vous décidez de mettre Dieu comme témoin de cette union. Et c’est ce soubassement spirituel que l’on ne voit plus dans les mariages. Maintenant, les gens y vont au feeling. Dans le choix du conjoint, on ne retourne plus à ce que Dieu a dit. Et du coup, au premier problème, ça part en vrille parce que ce socle spirituel n’est plus là», détaille notre interlocutrice qui a préféré garder l’anonymat.

A l’en croire, au-delà de ce socle spirituel, il y a nos réalités fondées sur un socle traditionnel, socioculturel, qui viennent après la religion et qui encadrent notre vie de tous les jours. «Dans la société sénégalaise, il y a une perception que l’on a du mariage et surtout un étagement des rôles. Le rôle qu’a le mari, le rôle qu’a la femme, le rôle central qu’a la belle-famille, belle-sœur, belle-mère, les amis du mari ou de la femme, des « bajen » etc.

En fait, il y a tout un tissu social qui encadre cette union. La distribution de ces rôles-là faisait que quand il y a problème, chacun vient avec comme mission de le régler. Maintenant, ce n’est plus le cas. C’est juste entre la femme et son mari. Au cas contraire, tu prends tout ce petit tissu-là, tu le mets dans une poubelle et tu te dis que c’est juste entre lui et moi. Ce que l’on vit, ce qui se passe n’intéresse personne. Et en cas de problème, vous n’avez aucun médiateur en fait. Ou quand il y a médiation, les ressorts ne sont plus là » ajoute-t-elle. Mais le changement de paradigme n’est pas anodin.

Pour la jeune entrepreneuse, l’émergence des femmes qui participent de plus en plus à la vie active a sans doute changé la donne. «L’autonomisation des femmes a joué un grand rôle dans les ménages. Il y a de cela peut-être 40 ou 50 ans, la femme n’avait aucune source de revenus. Elle n’avait aucune autonomisation économique, car elle dépendait totalement de son mari. Et cette dépendance faisait que le divorce n’était pas une option. Ça aussi, c’est un état d’esprit, car il y a des gens, même si on les tue dans leur ménage, ils ne divorcent pas parce qu’ils n’en font pas une option. Maintenant les femmes sont émancipées, elles ont une manière de voir la vie, de voir les choses, de voir leur mariage. Et à partir du moment où elles s’identifient plus à ce qu’elles sont en train de vivre, elles partent voir autre chose. Elles ont de quoi prendre soin d’elles et n’agissent plus comme nos mamans l’auraient fait il y a de cela 50 ans», ajoute-t-elle.

Et les hommes dans tout cela ? « Du côté des hommes aussi, quoiqu’on puisse dire, la responsabilité qui était chez nos papas n’est plus chez les jeunes. De nos jours, tu vois quelqu’un qui se marie aujourd’hui et se met à draguer à gauche et à droite. Ce qui fait que cette place cruciale de «kilifeu» qui t’es conférée est remise en cause. L’homme se voit ainsi traité d’irresponsable et sa femme le voit comme tel. Dès lors, il y a quelque chose qui se casse », ajoute notre interlocutrice.

«GRANDIR SANS L’AFFECTION PATERNELLE A ETE COMPLIQUE POUR MOI»

La rupture entre deux conjoints a forcément des conséquences. Et souvent, ce sont les enfants qui en souffrent le plus. Amina ne dira pas le contraire. Enfant au moment de la séparation de ses parents, elle a eu d’énormes problèmes dans sa jeunesse. Trouvée non loin de la Brioche Dorée de Ouakam, elle nous parle de son cas. «Personnellement, j’ai été victime de cette situation. Mes parents se sont séparés quand j’étais encore gamine. Du coup, grandir sans l’affection paternelle a été compliqué pour moi. Ce qui fait que j’étais un peu terrible quand j’étais plus jeune. C’est également compliqué pour une mère de famille qui doit tout gérer. C’est-à-dire s’occuper de ses enfants, les éduquer, les nourrir, gérer leurs caprices, sans l’aide de son ex-mari qui est le papa de ses enfants. C’est quelque chose de difficile. C’est le destin et on est des croyants. Du coup, on l’accepte et on essaye de vivre avec», narre la jeune femme. Pour elle, si des gens décident de s’unir, cela devrait être pour la vie. « Le fait de choisir un partenaire devrait pousser les uns et les autres à réfléchir davantage. Ils doivent tout faire pour que leur union ne se brise pas. Surtout que ça peut perturber la vie de leurs enfants. Mais il y a des choses que nous enfants ne maîtrisons pas», a-t-elle ajouté.

APPRENDRE À MIEUX CONNAÎTRE SON PARTENAIRE

Ce n’est pas seulement les femmes qui sont affectées. Divorcé après seulement 4 ans de mariage, Ibrahima reste encore marqué par sa rupture. « Je l’ai quittée parce qu’elle donnait plus d’importance à son travail qu’à notre ménage. Au début, tout allait bien. J’ai su que c’était elle et personne d’autre à la seconde où mes yeux se sont posés sur les siens. Eh bien ! Le coup de foudre existe. Avant le mariage, nous nous voyions quasiment tous les jours, car nos concessions n’étaient pas trop éloignées. Nous avions l’habitude de beaucoup échanger sur Facebook ou sur WhatsApp. A un moment, j’ai sauté le cap. Et au bout de deux jours, nous étions déjà officiellement en couple », se remémore-t-il. Ibrahima, la trentaine, est sur un nuage. Il file le parfait amour avec sa belle liane et tout semble fonctionner. Mais les roucoulades laisseront bientôt place à des disputes qui finiront par avoir raison de leur union. «Quelques mois après, le mariage a été ficelé. Au début, tout allait bien. Mais il a fallu qu’une grande entreprise de la place l’ait recrutée pour qu’elle commence à montrer son vrai visage. Je commence à voir de petits changements. Mais puisque je l’aime, j’ai laissé passer. Un jour, de retour de mon travail, je lui demande le dîner. Sans hésiter, elle me balance à la figure : ‘’Je n’ai pas eu le temps d’en préparer car j’avais du travail à mon service.’’ J’ai une fois de plus laissé passer. Au bout d’un moment, la situation devenait ingérable. Elle rentrait tard et était plus investie dans l’entreprise que dans son ménage. Et à chaque fois que je tente de communiquer avec elle, cela se termine souvent par des disputes. La moindre discussion pouvait virer aux disputes. Marre de cette situation, j’ai estimé que la séparation était la meilleure chose à faire », reconnaît-il. Se basant sur son expérience, le jeune Ibrahima invite les gens à prendre le temps de connaître réellement la personne en face, avant de s’engager. «Aux célibataires, je vous conseille de prendre votre temps pour mieux connaître vos partenaires. Le mariage est très complexe et ne dure ni deux ni trois jours. Personne ne souhaite se marier pour ensuite divorcer. Donc, une meilleure réflexion et étude de vos partenaires s’imposent» conclut-il.

ADAMA FAYE, PASTEUR : «l’Église est contre le divorce, sauf si…»

«L’église est contre le divorce, sauf s’il y a quand même des dérapages sexuels des deux parties. C’est-à-dire si l’infidélité est vraiment prouvée d’un côté comme de l’autre, ou bien d’un côté seulement. Dans ce cas, on peut rompre le mariage. Parce que l’infidélité est un péché du côté de l’église.»

IMAM AHMAD KANTE : «le mariage, ce n’est pas juste ‘’je t’aime, tu m’aimes»

LE MARIAGE DANS LA RELIGION MUSULMANE

«Le mariage est sacré et chacun doit connaître ses droits et devoirs. Du point de vue de l’islam, la vie conjugale repose sur deux (2) piliers : l’affection et la compassion que chacun des deux conjoints doit cultiver. Puisque l’être humain est fragile et transgresseur, des droits et des devoirs sont exigés à chacun. Ce qui fait que quand il y a des désaccords, il faut retourner aux droits et devoirs et les faire appliquer. Donc, cette sacralité du mariage fait que chacun respecte les droits de l’autre et fasse ses devoirs, que les gens soient patients et considèrent que c’est une forme d’adoration de Dieu, avec des épreuves. Le mariage, ce n’est pas juste « je t’aime, tu m’aimes », on va être très heureux à 100%, non ! Il y a des épreuves qu’il faudra justement affronter ensemble. Il faut de façon solidaire affronter les difficultés et jouir ensemble des avantages. Il y aura des épreuves, par exemple des maladies graves, ou le mari perd son travail, et voilà l’intervention des belles-familles etc.».

QUAND LE DIVORCE S’IMPOSE

«Il n’y a pas de facteur obligatoire de divorce. Il faut qu’il y ait des choses très rares pour qu’on dise qu’il faut obligatoirement un divorce. Par exemple quand il y a adultère reconnu et que l’un des membres du couple dise qu’il ne veut plus rester dans le mariage etc. Sinon en vérité, c’est avoir le courage de rester dans le mariage qui est enseigné par la religion. C’est pourquoi il ne faudra jamais dire à une femme ou un homme de divorcer. Ce n’est justement jamais l’imam qui dit de divorcer. L’islam donne toujours le conseil de rester dans le mariage, mais de façon décente. Maintenant, effectivement, quand on arrive à un niveau où le couple ne respecte plus ses droits et ses devoirs et qu’il y a transgression flagrante de ces droits et devoirs, en ce moment là, il faut bien identifier quelle sorte d’abus, quelle sorte de problème se pose. Ensuite, voir s’il est possible de trouver des solutions à ces difficultés. Mais on ne peut pas dire par exemple : oui quand votre mari vous insulte le matin, vous pouvez lui demander le divorce ou quand la femme s’absente sans l’autorisation de son mari, il faut divorcer, non ! L’islam ne dit jamais quelque chose comme ça parce qu’il faut préserver les liens du mariage. Il sait que l’homme est fragile, tout comme la femme. Donc, il faut pardonner et tourner la page. Maintenant, quand ça arrive à des niveaux indécents, de violence, d’incompatibilité d’humeur au point que ça devienne pratiquement impossible de vivre ensemble, en ce moment, si l’un des membres du couple demande à divorcer, effectivement cela devient possible. Donc, c’est dans une solution réaliste qui ne veut pas dire que dans tous les cas de figures, vous devez rester dans le mariage. Mais l’islam ne va jamais faciliter le divorce. Donc, ce sera au cas par cas, selon les arguments des uns et des autres».

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