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SPIRITUALITÉ OÙ CROYANCE ANIMISTE EST LA SEULE VOIE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE

Dans la logique animiste, l’humain et son bien-être social doivent être au centre de toutes les décisions et actions posées dans la communauté. L’on considère que le bien-être social d’un individu est indissociable de celui des membres de sa famille et de celui de la communauté entière. Par ailleurs, l’on pense que la communauté des humains est celle du monde des vivants, du monde visible. Celui-ci cohabiterait avec un autre : le monde des invisibles qui comprend les puissances (fétiches), les esprits (y compris ceux des ancêtres) et les djinns. Les invisibles seraient très puissants, se manifesteraient sous des formes diverses et se trouveraient partout parmi les vivants, dans la forêt, dans les cours d’eau, sur les montagnes, etc. Ils auraient la capacité non seulement de veiller au bien-être des vivants, mais aussi de leur poser des problèmes quand ils sont fâchés. D’où l’existence des rites, des sacrifices propitiatoires, des tabous et des règles de conduite sociale, afin que les vivants continuent de bénéficier de la grâce et de l’assistance des invisibles dont le rôle premier et la fonction sont la médiation.

Dans cet animisme, les puissants sont en fin de compte des intermédiaires entre les vivants et Dieu qui, sans être désigné par le même nom que celui des religions Abrahamiques, est le plus souvent le destinataire final des incantations et prières. Ainsi, les Sérères réfèrent à Roog Sen, les Diolas à Emitey, les Peulhs à Geno, les Dogons à Amma, les Bamanan à Ngala et le Sénoufo à Klè ect.., dans tous les cas, il s’agit d’un dieu unique créateur et garant de l’ordre du monde. Un monde inachevé, confié à l’homme qui doit apprendre à en user sans abuser, car lui-même est créature parmi d’autres créatures, force parmi d’autres forces, ni meilleur, ni pire, ni supérieur, ni inférieur, seulement différent, ce qui n’enlève rien à son génie. Un tel homme n’est jamais un individu, mais une personne, un faisceau de liens multiples et multiformes, un nœud de réseaux, un carrefour de forces qui doit apprendre à survivre et vivre dans un monde en perpétuel mouvement et recherche d’équilibre.

Dans un tel contexte, «devenir maître et possesseur du monde» frise la folie furieuse, le déni de réalité ou une naïveté juvénile. Pour l’animisme, l’homme peut tirer beaucoup de profits du monde; il peut réussir à parler aux choses, aux êtres, à Dieu, et se forger une personnalité formidable (belle et terrifiante), mais en bout de ligne l’ordre du monde, sa loi fondamentale aura raison de lui. Vivre c’est évoluer dans un monde qui peut toujours nous surprendre, voire nous terrasser. La durée d’une vie ne suffit pas pour apprendre du monde et apprendre le monde; il nous faut le concours des autres sans lesquels chacun est terriblement limité. Cette croyance animiste, qui découle des us et coutumes, est à la base du système d’enseignement traditionnel. Il faut dire que les traditions africaines, les croyances et philosophies éducatives qui en découlent, rejoignent, à bien des égards, celles observées ailleurs dans le monde: en Inde, au Japon ou en Chine.

En Afrique les populations accordent une grande importance à l’humain et au social. On y recherche constamment une certaine harmonie entre la société et la nature, entre le monde des vivants et celui des morts, entre le visible et l’invisible. L’on considère que l’homme, la nature et Dieu s’interpénétrent. Donc vivre c’est comprendre autant que possible la nature, le monde, le divin, pour éviter de commettre des erreurs fatales. D’où le respect, les précautions de langage, de comportement et d’attitude de l’animiste que certains auteurs considèrent à tort comme des peurs superstitieuses, un besoin de fusion avec le monde, une pensée magique. Les finalités éducatives poursuivies à travers le système d’enseignement traditionnel, issu des croyances locales africaines, forgées et imprégnées par l’animisme. Il ressort qu’il se distingue surtout par sa tendance sociocentrique. Sa finalité est alors, non pas de donner nécessairement une indépendance maximale et autarcique à l’individu, mais de le préparer essentiellement à servir la société, à y favoriser une vie plus harmonieuse, à remplir un rôle honorable et constructif dans la communauté. Il vise à construire une personne forte et souple, capable de se démarquer comme individu, et de vivre en complémentarité avec les autres, avec la nature, car dans l’animisme, c’est en tant qu’individu qu’on laisse son nom dans l’histoire et mérite le statut d’ancêtre. L’humain peut apporter son génie propre à la société, mais pour que celui-ci soit utile, reconnu et proposé à la postérité, il doit faire avancer la communauté humaine. L’homme idéal de l’animiste est un héros au sens grec, doublé d’un philosophe. Il a une personnalité éprouvée et dotée de la capacité du négociateur et du rassembleur. C’est un chef capable de conduire une communauté avec droiture et justice, valeurs dont on mesure peu l’importance pour les populations dans le monde politique et africain.

Par SobelDione

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